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— Je pense que rien ne peut s’y opposer, reprit mistress Heathcote ; mais j’ai vu bon nombre de jeunes filles qui avaient passé leur vingt-cinquième année, et qui se seraient plutôt fait brûler vives que de dire leur âge. »

Avant que mistress Heathcote eût terminé sa tirade, l’aînée des sœurs avait quitté le canapé et s’était dirigée vers un magnifique piano, qu’elle ouvrit avec l’aide de Sophie Martin.

« Je voudrais bien vous entendre chanter, murmura l’orpheline.

— Vous aimez beaucoup la musique ?

— Non, mais j’aime à entendre chanter les personnes qui m’inspirent de la sympathie ou de l’affection, répondit Sophie en fixant sur miss Elfreda ses yeux perçants et passionnés.

— J’aime beaucoup Sophie Martin, dit l’aînée des sœurs à l’oreille de miss Eldruda, qui venait de la rejoindre au piano ; elle est naturelle et sans affectation.

— Elle est évidemment la mieux de la société, répondit miss Eldruda. Mais qu’y a-t-il là en fait de musique ? reprit-elle ; rien que des vieilleries ! quel ennui !

— On disait que sir Temple est allé à Florence : à moins qu’il ne soit un sauvage, il doit avoir rapporté de la musique nouvelle.

— Oh ! ma chère, comme il est charmant, si beau et si élégant ! N’est-ce pas ton opinion, Elfreda ?

— Je n’ai pas encore pu le juger, Druda ; vous savez que je suis difficile. Les Wilkyns sont connus pour la plus belle famille de Galles, et cela rend toujours difficile. Où trouverez-vous un homme comme papa ? quelle taille ! Temple a quatre pouces de moins ! Il n’est certainement pas vulgaire, et il paraît assez comme il faut ; ce sont du reste des qualités bien plus nécessaires que la beauté des traits : c’est pourquoi je préfère Sophie