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casion de le voir, car je n’ai jamais pu l’apercevoir depuis qu’il vient ici. »

En entrant dans l’appartement de l’étranger, la femme de charge le vit assis dans le fond de la chambre, fumant sa pipe et la tête couverte de son bonnet rouge, brodé d’or. La chambre était seulement éclairée par une bougie qui ne jetait aucune lueur, et la vieille servante de M. Thorpe distinguait à peine M. Jenkins.

Après un assez long silence des deux parts, car mistress Barnes n’osait point parler la première à l’étranger, M. Jenkins se tourna vers elle, et lui dit d’une voix douce et gracieuse.

« Fermez la porte, mistress Barnes, et approchez-vous de moi. »

En entendant ces mots, la vieille gouvernante resta un moment atterrée ; puis, prenant brusquement la bougie, elle se précipita vers celui qui venait de lui parler. M. Thorpe se détourna d’elle un moment, puis, changeant tout à coup d’idée, il se leva, ôta son bonnet, et se plaçant en face de sa vieille amie, la regarda affectueusement.

« Que le ciel me prenne en sa sainte garde ! s’écria mistress Barnes ; est-ce un esprit ? ou est-ce que je deviens folle ?

— Je vois que vous ne m’avez pas tout à fait oublié, Barnes, répondit M. Thorpe, et cependant vous avez l’air plus effrayée qu’heureuse en me voyant.

— Effrayée de me tromper, monsieur, reprit la bonne femme. Ah ! si vous êtes bien monsieur Cornélius ? dites-le moi pour l’amour de Dieu !

— Et si je suis Cornélius Thorpe, que direz-vous ?

— Que je bénis le seigneur qui vous a ramené parmi nous pour chasser le diable en personne de la maison de votre père, et pour reprendre ce qui vous appartient. »

Elle lui demanda alors pourquoi il avait retardé son