Page:Trollope - La Pupille.djvu/264

Cette page a été validée par deux contributeurs.

comment M. Jenkins allait expliquer la présence du tableau dans le salon.

« Vous avez connu l’original de ce portrait, major Heathcote ? s’écria tout à coup M. Thorpe en se plaçant contre le cadre. Le jeune homme avait dix-huit ans alors ; il y a vingt ans que vous ne l’avez vu. Avez-vous idée de ce que serait devenue cette figure d’enfant, si Cornélius avait vécu jusqu’à présent ?

— Je me le rappelle si bien, le pauvre garçon, que, si jamais je l’avais rencontré depuis son départ, je suis sûr que je l’aurais reconnu.

— Trouvez-vous que je lui ressemble, major ? continua M. Thorpe avec une gravité imposante.

— Grand Dieu ! non, monsieur, répondit précipitamment le major ; que veut dire cette étrange question ?

— Je vous demande, Heathcote, si vous retrouvez les traits de votre petit-neveu, que vous avez perdu de vue il y a dix-huit ans, dans ceux de l’homme bronzé et vieilli qui est devant vous ? »

Les spectateurs de cette scène ne doutaient plus que ce ne fût bien Cornélius Thorpe, le maître de la maison, qui venait de leur apparaître. Cette nouvelle foudroyante produisit des effets différents sur les auditeurs.

Le major avait immédiatement reconnu M. Thorpe aux premiers mots de la dernière phrase de M. Jenkins, et cette révélation inattendue l’avait tellement ému qu’il ne se sentait plus la force de parler.

Sir Charles avait pris la main de Florence qu’il avait serrée tendrement, et dans son trouble la jeune fille lui avait rendu sa douce pression. Algernon avait aussitôt commencé une comparaison entre les traits du tableau et ceux de l’original ; les trois miss Wilkins s’étaient précipitées l’une vers l’autre, et, après avoir regardé Sophie en souriant, avaient commencé une conversation à voix basse. La bonne mistress Heathcote avait murmuré :