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trop furieux. Cependant le notaire était bien le dernier homme qu’il eût aimé voir diriger les actions de l’héritière : car M. Westley, mieux que tout autre, connaissait les affaires pécuniaires des Brandenberry, et il ne pourrait jamais croire au désintéressement de l’amour de Richard pour miss Martin Thorpe. Malgré cette contrariété, il répondit comme il le devait :

« Personne ne pourra blâmer votre choix, chère miss Sophie, et moi-même je reconnais que M. Westley est tout à fait digne de l’honneur que vous lui faites en le choisissant parmi… tant d’autres. »

Sophie admira fort ce désintéressement, et quitta ses amis avec force sourires et poignées de main. Le soir, quand elle descendit au dîner, ce fut avec l’intention formelle de quereller ses tuteurs et de provoquer ainsi une rupture définitive.

Florence avait reçu le jour même une lettre si tendre et si gracieuse de sir Charles, que son cœur débordait de joie, et qu’un mot désobligeant ne pouvait sortir de sa jolie petite bouche souriante, un billet d’Algernon, qui ne parlait que de sa bonne santé et de la bonté touchante de son protecteur pour lui, avait fait à peu près le même effet sur le major et sa femme ; et cependant Sophie voulait une querelle ! Le major lui ayant demandé de trinquer avec elle, ses sourcils se froncèrent, sa petite voix devint un peu plus revêche que de coutume, et elle répondit :

« Je désire, monsieur, que vous vous dispensiez de m’offrir ainsi du vin à chaque repas. Les dépenses d’une famille aussi nombreuse que la vôtre devenant chaque jour plus fortes, je me vois forcée de me priver moi-même. »

Le major, loin de se fâcher, pensa éclater de rire en répondant :

« Très-bien, très-bien, ma chère ! vous avez parfai-