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que je vous racontasse tout ce que j’ai souffert depuis que les Heathcote sont entrés chez moi ; vous me connaissez trop bien tous deux pour penser que je me plaigne à la légère et sans causes sérieuses : ce que je puis vous affirmer, c’est que j’ai plus de tourments que je n’en puis supporter. Ceci posé, je viens vous demander, monsieur Brandenberry, si vous voudriez bien m’indiquer le moyen de changer mon tuteur contre un autre que je désignerais.

— Avez-vous déjà fait votre choix, chère belle amie ? demanda M. Brandenberry en tremblant d’émotion.

— Non, pas encore, répondit Sophie en arrêtant tendrement son regard sur son adorateur. Mais cela sera plus facile que de se débarrasser du major.

— Mais rien n’est plus simple ; je vous engage à lui déclarer que telle est votre volonté, et, s’il était assez mal élevé pour s’y opposer, vous auriez recours au chancelier.

— Je vous suis fort obligée, cher monsieur Richard ; maintenant je saurai ce que je dois faire, et je pourrai, j’espère, réussir à mon gré et finir par vivre heureuse chez moi.

— Je ne trouve pas de mots pour exprimer le bonheur que j’éprouve à vous rendre service ; mais, je vous en supplie, nommez-moi l’heureux homme qui aura la joie ineffable de veiller sur vous pendant les quelques mois que durera encore votre minorité. »

Sophie sentit que son voisin s’attendait à ce que la réponse le concernât ; mais ne voulant lui donner ni amour-propre ni fausses espérances qu’elle ne comptait pas réaliser, elle répondit :

« Je demanderai M. Westley, le notaire de M. Thorpe. »

M. Brandenberry, quoique espérant entendre un autre nom, sut prendre sur lui-même de ne pas paraître