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mistress Barnes ; je suis sûre que, s’il voulait épouser mademoiselle, elle y consentirait facilement, d’autant plus qu’il a été présenté par lord Broughton, avec lequel il habite, et voilà une fière recommandation auprès de Sophie Martin, l’orpheline.

— Enfin, nous verrons bien ce qui arrivera ! répondit mistress Heathcote ; mais je ne veux pas vous retenir plus longtemps, mistress Barnes ; je vous renverrai les petits garçons dès qu’elle descendra. »

Au bout d’une demi-heure, le major et M. Jenkins rentrèrent au salon, et Florence s’empressait d’emmener les enfants, quand l’étranger l’arrêta en disant :

« Croyez-vous donc que je n’aime pas les enfants, ma chère ? Pourquoi cette fuite précipitée ? Mistress Heathcote ne leur permet-elle pas de rester encore un peu avec nous ?

— Vous êtes trop bon, monsieur, répondit la bonne mère avec embarras, mais il est temps qu’ils partent… D’ailleurs leur cousine… je veux dire miss Martin Thorpe, n’aime pas les enfants.

— Oh ! c’est différent, il ne faut pas la mécontenter, reprit M. Jenkins avec amertume ; partez, mes petits amis, miss Martin Thorpe serait fâchée de vous voir. »

En entendant la manière étrange dont ces mots furent prononcés, toute la famille en éprouva un malaise violent. Le major était honteux de sa faiblesse, mistress Heathcote se sentait prête à pleurer, et Florence hésitait à emmener les enfants. Chacun à part soi rougissait de la domination insolente de l’orpheline. Tout à coup Sophie entra dans le salon ; M. Jenkins alla à sa rencontre et lui dit avec gaieté :

« Quels jolis petits garçons, miss Sophie ! Comme vous devez les gâter ? Avouez que vous les aimez follement et que vous en ferez, par votre faiblesse et votre indulgence sans bornes, des enfants insupportables. »