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pas que je veuille me vanter, mais on est honnête, et, si on n’y mettait pas son orgueil, on aurait vraiment du plaisir à tromper une pareille créature. Je vous assure que ce sera sans aucun agrément que je toucherai mes gages, car son sale argent me dégoûte, et je crois qu’il ne saurait me profiter.

— Je suis très-convaincue que personne ne saurait mieux tenir la maison que vous, mistress Barnes, et je souhaite à miss Martin Thorpe de vous garder longtemps ; Mais pourriez-vous me dire qui est cet étrange M. Jenkins, qui a dîné avec nous aujourd’hui ?

— Je n’en sais vraiment rien, madame, mais il faut qu’il ait pris un bien grand empire sur miss Martin Thorpe pour l’entraîner dans toutes ces dépenses : car ses amis intimes, les Brandenberry, ne sont jamais venus dîner ici ; ils y ont pris le thé deux fois, avant votre arrivée, mais n’y sont plus revenus depuis. Miss Roberts et le sommelier prétendent que cet étranger est affreux, ce qui exclurait encore toute relation gratuite entre lui et madame, si elle n’était d’ailleurs très-incapable d’aimer jamais. Cependant il existe quelque chose entre eux, car ils se tiennent renfermés des journées entières dans l’appartement du premier ; et puis l’embarras qu’elle s’est donné aujourd’hui pour lui, la dépense des vins fins et des mets délicats qu’elle a fait servir, tout cela annonce, ou qu’elle devient folle, ou qu’elle a besoin de le ménager : il y a là du mystère.

— Je le pense bien aussi, répondit mistress Heathcote. Du reste, c’est un homme fort riche, ce M. Jenkins, car il voulait donner aujourd’hui à Florence une bague qui m’a paru somptueuse. N’était-ce pas un diamant, chérie ?

— Je le crois, maman.

— Si ce monsieur est riche, c’est bien différent, reprit