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cote pouvaient penser d’elle, elle préférait cependant leur taire tous les détails de sa vie intime.

Quoique Sophie sût fort bien que l’habitude en Angleterre est de ne pas quitter la table tous ensemble, elle craignait trop ce que le major pourrait dire à M. Jenkins pour les laisser seuls, même une demi-heure ; elle fit donc éclairer le salon, et se levant de table, elle donna le signal du départ en disant :

« Tout le monde est-il prêt à entrer au salon ?

— Comment, tout le monde ? s’écria M. Jenkins ; vous voulez dire les dames, car vous devez savoir, ma chère, que le major et moi allons rester ici en tiers avec une bouteille du meilleur clairet. »

Sophie comprit qu’elle ne pouvait rien refuser au généreux étranger, et sortant brusquement, elle remonta chez elle en lançant un regard de vipère sur sa famille. Elle se retira dans son boudoir et se mit à rêver au moyen de rompre avec ses ennemis. Elle ne redescendit que lorsque son page vint la prévenir que ces deux messieurs étaient rentrés au salon. Pendant cette heure, le major et l’étranger avaient causé de l’Italie, de sir Charles et d’Algernon, sur lequel M. Jenkins accablait le major de questions ; tandis que Florence, en entrant au salon, avait demandé à sa mère si elle pouvait faire venir ses petits frères jouer auprès d’elle jusqu’au retour de Sophie.

« Puis-je sonner, ma mère ?

— Oui, chère ; mais, dès qu’elle reviendra, il faudra renvoyer les enfants. »

Mistress Barnes entra bientôt, tenant les petits garçons par la main, et se mit à causer avec les deux dames. Leur conversation aurait prouvé à Sophie qu’on n’achète pas le silence et l’opinion d’une femme comme mistress Barnes par des gages élevés et des promesses de bien-être pour elle et sa nièce. La femme de charge haïssait