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rattraper, sans quoi nous ne recevrons pas de compliments de mistress Barnes. »

M. Jenkins ayant laissé passer une semaine sans revenir à Thorpe-Combe, miss Martin Thorpe dut en conclure qu’il était complètement fou. Aucune autre excuse ne pouvait expliquer sa conduite. Faire ainsi à sa première visite un cadeau d’une pareille importance et ne plus reparaître au château semblait vraiment l’action d’un cerveau dérangé. Mais l’héritière qui, en admirant plus tard son collier, avait un peu réfléchi à la manière dont il lui était arrivé, préféra garder le silence sur ce don d’une valeur trop considérable pour être accepté ainsi à la légère, si bien que tout le monde ignora l’addition que M. Jenkins avait faite aux joyaux déjà très-nombreux de miss Martin Thorpe.

Un jour, à six heures, pendant que Sophie présidait au repas économique qu’elle faisait servir chaque jour à sa famille, la porte s’ouvrit tout à coup, et M. Jenkins parut sur les pas du domestique qui l’annonçait. L’héritière se leva précipitamment et voulut entraîner son hôte au salon ; mais il s’y refusa, et s’asseyant auprès de Florence, il dit à celle qui s’entêtait à l’éloigner de la table :

« Je suis venu sans façons vous demander à dîner, chère miss Martin Thorpe, et, comme je sais que vous avez un excellent ordinaire, je n’ai pas jugé qu’il fût nécessaire de vous prévenir de ma visite. Mais que vois-je ? qu’est-ce que cela ? du bouilli ! des choux et des carottes ! Vous qui êtes si difficile, comment pouvez-vous manger cela ? Quant à moi, je n’en prendrai pas, et j’attendrai les douceurs qui ne peuvent manquer d’arriver. »

Sophie appela son page et lui ordonna d’aller dire en toute hâte à mistress Barnes qu’elle envoyât ce qu’elle avait de meilleur, quand cela devrait être les