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des diamants, et même assez brillants, vous paraîtront bien mesquins et d’une bien mince valeur.

— C’est le portrait seul que je désire, et, si je puis y réussir, je vais détacher l’ivoire du cadre, que je vous laisserai.

— Comme vous voudrez, » répondit Sophie, dont le cœur battait violemment, et qui attendait avec anxiété le résultat des efforts de l’étranger.

Mais M. Jenkins, voyant qu’il risquait d’abîmer le portrait, se disposait à le mettre dans sa poche avec l’intention de renvoyer plus tard les diamants à Sophie, quand il la vit rougir et pâlir tour à tour en le regardant faire. Aussitôt il replaça le médaillon sur la table et dit :

« Gardez le portrait, miss Martin ; je reviendrai plus tard avec les outils nécessaires, et j’espère que je m’en tirerai alors plus facilement qu’avec des ciseaux ou avec vos magnifiques couteaux d’argent ciselés. Mais puisque vous ne pouvez pas me donner le portrait, continua-t-il assez gaiement, donnez-moi au moins à manger, car j’avoue que je meurs de faim.

— Oh ! monsieur, je serais ravie de vous traiter convenablement, mais tout doit être froid ; cependant, veuillez vous asseoir, je suis à vous dans la minute, » répondit Sophie qui avait craint, en entendant le commencement de la phrase précédente, que M. Jenkins ne voulût lui demander un objet d’une valeur quelconque. Sophie revint bientôt, après avoir renfermé la miniature et donné quelques ordres à mistress Barnes relativement au goûter de son nouveau convive.

M. Jenkins savait fort bien apprécier les bonnes choses, et, en homme bien élevé, ne se plaignait pas de la froideur des mets. Il vanta au contraire les petits pâtés, les champignons, les asperges, et surtout la manière élégante dont le repas était servi.