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aucune raison pour tourmenter ainsi miss Martin Thorpe ; vous regarderez les fenêtres du dehors et reconstruirez dans votre souvenir la disposition intérieure de la maison.

— Vous avez raison, » s’écria M. Jenkins en sortant brusquement sans saluer les dames et sans s’excuser de ses manières incohérentes.

Lord Broughton le rejoignit après les politesses d’usage, et l’on entendit bientôt les deux chevaux s’éloigner rapidement.

« Grand Dieu ! chère amie ! s’écria miss Brandenberry ; quel homme ! et j’admire votre patience à écouter ses impertinences. Je suis, du reste, très-convaincue qu’il est fou ; et si Sa Seigneurie, lord Broughton, n’avait pas été là pour nous défendre, j’aurais certainement sonné pour demander du secours. Et quelle présence d’esprit a été la vôtre ! quel calme ! quel courage ! Je vous admirais, et, lorsque je raconterai cela à Richard, quel effet cela va lui faire ! Je le connais, il est capable de venir passer la nuit sous vos fenêtres avec deux pistolets chargés !

— J’espère qu’il n’en fera rien ; d’ailleurs j’ai mes valets, si j’ai besoin de secours, dit froidement Sophie.

— Ne disait-il pas qu’il se ferait couper la main droite pour courir ainsi chez vous ? le fou ! c’est affreux ! Et comment vous sentez-vous, chère belle ? Je crains que cette scène ne vous ait trop impressionnée ! Vous devriez boire un doigt de vin pour vous remettre.

— C’est inutile, je ne prends rien entre mes repas, » reprit Sophie, qui désirait renvoyer son amie afin de pouvoir goûter tout à son aise. Aussi se hâta-t-elle d’ajouter : « Il se fait tard, chère miss Brandenberry, et vous savez qu’à cette heure-ci j’ai coutume de faire mes comptes… »