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voir une superbe chemise de toile très-fine et d’une blancheur éblouissante ; enfin un habit mal fait, mal ajusté et mal porté, complétait un attirail assez vulgaire.

Au bout de quelques minutes, et pendant que lord Broughton parlait avec les dames, M. Jenkins mit son bonnet sur son crâne chauve, se leva, et se prit à examiner la chambre avec une attention persistante. Loin de tout admirer comme les Brandenberry et la plupart des connaissances de Sophie, le froncement continuel de ses sourcils annonçait comme une espèce de mécontentement mal contenu. Après avoir regardé les portes des cabinets, il en palpa toutes les moulures, et tomba tout à coup devant l’une d’elles dans une profonde et contemplative méditation. Miss Martin Thorpe et miss Brandenberry, tout en écoutant ce que leur disait leur noble interlocuteur, ne pouvaient s’empêcher de suivre les mouvements de M. Jenkins, et en le voyant ainsi examiner et toucher les portes, elles en conclurent immédiatement qu’il devait être fou. Cependant lord Broughton, s’apercevant que petit à petit les deux dames donnaient toute leur attention à son étrange ami, au détriment de la conversation, pria miss Martin Thorpe d’offrir ses compliments aux Heathcote, avec l’assurance de son désir de les recevoir un jour à son château ; puis il ajouta que lady Broughton serait, à son retour de Londres, charmée de les connaître. Se levant alors, il tira la manche de son ami, en lui disant : « Il est temps de nous retirer, Timothée. »

M. Jenkins se retourna et laissa voir une figure pâle, sur laquelle coulaient encore quelques grosses larmes ; ses yeux grossis étaient rouges, et sa physionomie empreinte d’une tristesse profonde.

« Je dois vous paraître bien étrange, mesdames, murmura-t-il en voyant lord Broughton le regarder