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Quand M. Jenkins ramena miss Martin Thorpe, Richard offrit son bras pour la conduire au buffet. Rien ne pouvait être plus agréable à Sophie, qui accepta avec empressement. Richard fut assez heureux pour lui trouver une place à table et rester derrière elle à lui servir des friandises et des compliments. Après s’être un peu restaurée, Sophie reprit le bras de son adorateur, et il la conduisit dans un salon moins fréquenté, où, s’asseyant près d’elle sur un sofa isolé, il eut le courage de solliciter la faveur d’un doux tête-à-tête.

Sophie voulut bien y consentir, mais elle profita de l’occasion pour dire perfidement à Richard et d’une voix un peu triste :

« Vraiment, monsieur Brandenberry, j’en suis à regretter d’avoir amené Florence à ce bal. Je crains que ceux qui la voient ici, à commencer par ce lord Thelwell, ne se fassent illusion sur l’état de sa fortune, et ne s’imaginent qu’elle puisse jamais épouser un gentilhomme. Ce que je vous dis là me coûte beaucoup, croyez-le bien, monsieur Brandenberry ; mais il me semble qu’il est de mon devoir d’éclairer les aveugles en disant la vérité. Cette pauvre fille que vous voyez causer si librement avec le vicomte a, je suis sûre, moins d’argent à elle que ma cuisinière ou ma vachère. Vous devez comprendre combien cette révélation m’est pénible à faire, même à un ami comme vous, monsieur Brandenberry ; cependant je dois vous en faire part, afin que vous fassiez connaître partout ce que je vous confie. Je ne veux pas que plus tard on m’accuse d’avoir cherché à donner le change sur la vraie position de ma cousine pour faciliter son établissement.

— Comment donc ! mais vous avez mille fois raison et vous êtes d’une bonté charmante, trop chère miss Martin Thorpe, répondit Richard avec une admiration