Sophie fut un moment embarrassée par le grand air et les manières recherchées des deux gentilshommes ; mais se rappelant aussitôt qu’elle était miss Martin Thorpe, de Thorpe-Combe, qu’elle possédait un service d’argenterie somptueux et quatre fois plus de diamants que lady Broughton elle-même, elle reprit son aplomb en répondant :
« Très-heureuse, messieurs. »
Lord Broughton demanda à être présenté au major, à sa femme et à sa fille, et leur présenta, ainsi qu’à Sophie, l’étranger, objet de l’attention et de la curiosité générales, sous le nom de : « M. Jenkins. »
Quand l’orchestre rappela les danseurs, M. Jenkins invita Sophie, au grand étonnement de miss Brandenberry, qui le trouvait trop vieux et trop étrange pour danser.
Les deux gentilshommes s’éloignèrent alors ; le major conduisit sa femme et sa fille prendre quelques rafraîchissements, et les Brandenberry restèrent seuls, Richard étant bien décidé à ne pas danser avec d’autres que Sophie, pour ne pas gâter ses affaires.
« Vous avez raison d’agir ainsi, mon frère : elle est si susceptible ! un rien peut la fâcher et perdre du même coup le fruit de tous nos efforts.
— Oui ; lorsqu’on entreprend une partie aussi difficile, il faut la jouer serré. Il n’y a rien à craindre de la part de son danseur actuel, Marguerite, et quant à lord Thelwell, il a été fort peu aimable pour elle. Grand Dieu ! que ce Jenkins est affreux ! Je suis vraiment très-reconnaissant à lord Broughton de l’avoir présenté à Sophie.
— Certes, c’est très-heureux pour vous. Vous l’inviterez encore quand elle reviendra, et elle n’aura eu que vous d’aimable cavalier pendant toute la soirée. Est-ce une assez bonne chance ? »