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qu’il en put tenir ; mais hélas ! en arrivant aux boucles d’oreilles, la tendre Marguerite s’aperçut que les oreilles épaisses et noires de Sophie n’étaient pas percées. Heureusement miss Brandenberry était très-ingénieuse ; elle prit aussitôt une aiguille et du fil pour coudre les brillants après le velours qui entourait la tête de son amie, et les faire pendre le plus près possible de l’oreille. Quand la coiffure fut terminée, Marguerite entr’ouvrit le peignoir de l’héritière, posa le collier sur son cou, les bracelets à ses bras et la broche à son corsage.

« Il faut que Richard vous voie ! s’écria alors l’adroite habilleuse. Ce serait cruel de le lui refuser : vous êtes si belle ainsi ! » Et, tout en disant cela, Marguerite ouvrit la porte de communication et s’écria : « Venez, Richard, venez, et dites franchement ce que vous pensez de notre belle amie, miss Martin Thorpe.

— Ce que j’en pense ! Ah ! Marguerite ! pourquoi m’avoir appelé ?

— Pauvre garçon, quelle émotion ! Mais, Richard, ne tournez pas la tête ainsi. Si vous ne regardez pas miss Martin Thorpe, elle sera dans son droit en supposant que vous la trouvez laide.

— Ah ! Marguerite ! vous êtes sans pitié, » s’écria le jeune homme en s’appuyant contre la fenêtre ; puis, reprenant quelque force, il revint vers Sophie, que cette scène flattait infiniment, et lui dit : « Croyez, miss Martin Thorpe, que je rougis de ma faiblesse ; mais soyez persuadée aussi que, lorsque toute la société d’Hereford vous verra, telle que vous venez de m’apparaître, elle appréciera du premier regard quelle adorable personne M. Thorpe lui a donnée pour voisine. »

Après ce discours prononcé d’une voix émue, le frère et la sœur quittèrent leur amie, qui, dès qu’elle fut seule, ôta et resserra ses diamants dans leur nid de co-