Page:Trollope - La Pupille.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.

un gouffre enflammé sous mes pieds, je le traverserais, même au prix de ma vie, plutôt que de vous laisser vous exposer toute seule dans ces lieux déserts.

— Oh ! mais, monsieur Brandenberry, il n’y a aucun danger pour moi dans mes propres bois.

— Grand Dieu ! que dites-vous, trop chère miss Thorpe ? Il existe des dangers terribles, que votre innocente pureté vous laisse ignorer. Non, je ne souffrirai pas que vous retourniez seule. Quant à vous, ma sœur, vous voilà presque arrivée ; rentrez à la maison. »

En disant ces mots, le fougueux amoureux prit le bras de l’héritière et continua la route jusqu’au château, en débitant de ces phrases calculées et véhémentes que Sophie entendait ordinairement avec plaisir, mais qui, ce jour-là, n’avaient pas le pouvoir de lui faire oublier, même un instant, l’étrange disparition des merveilleux diamants.

Miss Martin Thorpe comprenait fort bien que tout cela avait pour but un tête-à-tête dans son petit boudoir ; mais, bien décidée à ne pas prolonger son anxiété, l’avare s’arrêta résolûment à la grille qui séparait le parc des jardins dessinés autour de la maison, et dit assez gracieusement à son trop empressé voisin :

« Il faut maintenant nous séparer, monsieur Brandenberry.

— Le faut-il ? répondit l’amoureux en la regardant d’un œil languissant.

— Adieu, monsieur Richard ; nous nous reverrons demain, j’espère ?

— Puissent les anges du ciel vous prendre sous leurs ailes ! Mais, ô ciel ! que vois-je ? continua-t-il tandis qu’elle cherchait à ouvrir la grille ; d’aussi jolies petites mains doivent-elles toucher du fer ? Permettez-moi de vous éviter cette peine. »

Et en disant ces mots il serrait avec passion la main