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pas cette cruelle me tuer à petit feu : car, de tous les bonheurs imaginables, celui-là est en vérité le plus cher à mon cœur et le plus ardemment souhaité. De grâce, Marguerite a-t-elle dit vrai ?

— Oui, répondit Sophie. Depuis quelque temps j’avais le désir d’aller à ce bal, et j’étais venue ce matin pour vous demander plusieurs indications nécessaires.

— Est-il possible ? Venir jusqu’ici ! Grand Dieu ! Oh ! miss Martin Thorpe ! »

Et M. Brandenberry frappait ses mains l’une contre l’autre et ne savait plus que dire.

Mais Sophie, interrompant cet accès de folle joie, le pria, comme elle en était convenue avec miss Brandenberry, de lui faire obtenir des billets et de dire à ses amis et connaissances que la nouvelle propriétaire de Thorpe-Combe, miss Martin Thorpe, comptait assister à ce bal. M. Brandenberry reprit alors de sa voix la plus timide et la plus douce :

« Oserais-je espérer le don de votre main ? »

En ce moment, il fut obligé de s’appuyer contre la muraille ; ses jambes fléchissantes avaient peine à le soutenir, et sa voix, affaiblie ne pouvait plus se faire entendre. Cependant il parvint à ajouter, non sans de grands efforts : « Pour le premier quadrille. »

Sophie, qui avait parfaitement compris la comédie de son adorateur, lui répondit gracieusement :

« Avec le plus grand plaisir, monsieur Brandenberry. »

Puis, se levant, elle prit congé de ses nouveaux amis et consentit à accepter le bras de son admirateur jusqu’à la porte du parc. Mais, en sortant de la maison, M. Brandenberry mit adroitement la conversation sur la curiosité qu’éveillerait la première sortie de la jeune miss Martin Thorpe et sur l’effet qu’elle produirait au bal ; si bien que la conversation durait encore quand ils arrivèrent en vue du château.