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admirer, répondit Marguerite avec une véritable tendresse.

— Cela me conviendrait assez, reprit Sophie, et je serais fort obligée à votre frère s’il voulait prendre cette peine pour moi.

— Obligée ! de la peine ! S’il pouvait vous entendre, le pauvre garçon, quelle joie serait la sienne ! Hier encore, ce cher enthousiaste me répétait pour la centième fois qu’il n’avait jamais vu un aussi joli pied que… Mais je n’ai pas besoin de vous répéter ses pensées intimes, et je vous laisse à deviner de quel pied il parlait en ces termes chaleureux. »

Pendant cette conversation banale, en apparence du moins, M. Brandenberry échangeait sa vieille jaquette usée et sale contre un habit propre ; le fichu de coton fané qui lui serrait le cou contre une belle cravate de satin noir, dont il avait soin de dissimuler les éraillures dans des plis ingénieux ; ses gros souliers contre des bottines vernies ; et donnait enfin à ses cheveux un tour gracieux et séduisant. En ce moment il fit son entrée, et se prosternant devant Sophie, dont il avait saisi la main, il allait commencer sa litanie de compliments exagérés, quand sa sœur s’écria :

« Richard, vous rappelez-vous une conversation de date toute récente, sur certain petit pied ? »

Quoique le jeune homme ne comprît pas ce dont sa sœur voulait parler, il avait trop de confiance en son art de l’intrigue pour ne pas répondre avec un sentiment bien joué.

« De grâce, Marguerite, tenez-vous tranquille ; pas un mot de plus sur ce sujet.

— Tranquille ! Ah ! Richard, nous verrons si vous apprendrez avec calme que miss Martin Thorpe a formé le projet d’assister au bal de Pâques.

— Serait-il vrai ? Ah ! charmante Sophie, ne laissez