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aujourd’hui je refuse formellement, je ne puis supporter la boue.

— Grand dieu ! qui voudrait conduire ces pieds de fée dans la boue ? reprit avec emphase M. Richard. Ah ! Margaret, quel joli tableau on pourrait faire en traçant cette frêle jeune fille marchant solitairement sous les beaux ombrages de Thorpe-Combe !

— J’y pensais justement. »

M. Brandenberry parla alors des bals de campagne, afin d’effacer un peu l’impression désavantageuse que semblait avoir produite sur l’héritière la demande de la clef du parc.

En effet, en entendant raconter des merveilles des bals d’Hereford, Sophie s’anima, et répondit que dès l’arrivée de ses tuteurs elle irait certainement aussi.

Le frère et la sœur décriaient les différentes familles qui donnaient de ces soirées. Les remarques désobligeantes se succédèrent avec promptitude, et, à la fin d’une visite démesurément longue, Sophie connaissait tous les voisins les plus éloignés, comme les plus rapprochés, et savait que, si toutes ces familles étaient très-riches, les Brandenberry étaient seuls d’une noblesse incontestable.

Sophie, quoique élevée loin du monde, sut cependant démêler le vrai du faux, dans tout ce que ses deux voisins lui racontèrent. Elle comprit aussi que tous ces compliments ne s’adressaient pas absolument à elle ; mais elle admettait parfaitement que Richard Brandenberry fût amoureux d’elle, que sa grande fortune faisait beaucoup valoir. Ce n’était pas Sophie Martin jeune fille qui le charmait, mais miss Sophie Martin Thorpe l’héritière.

Elle ne lui en voulait nullement du désir de s’approprier ainsi Thorpe-Combe, et savait fort bien que rien ne l’obligeait d’épouser celui-là plutôt qu’un autre.

Il ne lui appartenait pas d’ailleurs de veiller au bonheur de son prochain, le sien seul devant l’occu-