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quarante ans, et de la fille, qui comptait vingt-six ans, cette famille étant la première qui eût flatté l’héritière, en la comblant de compliments respectueux et de sourires de tout genre. Et je dois dire que Sophie était très-sensible à ces marques de déférence. Le matin du jour où, pour la première fois, miss Martin Thorpe reçut miss Brandenberry et son frère, dans son salon du premier, ils ne cessèrent d’admirer avec exaltation jusqu’aux moindres détails de l’ameublement qu’elle leur avait dit avoir commandé elle-même.

Sleyms Richard disait à miss Brandenberry : « Si on vous avait amenée ici sans que vous connussiez la maison, en vous trouvant dans cette charmante pièce, n’auriez vous pas deviné qu’elle avait été commandée par miss Martin Thorpe ?

— Oh ! je l’aurais vu tout de suite, répondit miss Brandenberry avec son regard de feu.

— Ce papier couleur souris avec ses bouquets roses délicatement posés dessus, et la perse élégante de ces meubles ! je ne puis dire à quel point cette gracieuse élégance est en rapport avec notre digne amie.

— Mon cœur la reconnaît dans ces petits riens, qui dénotent la femme distinguée, » reprit M. Brandenberry ; et il s’approcha vivement de l’héritière, s’assit tout près d’elle et lui dit en posant la main sur son cœur, comme pour en réprimer les battements : « Vous tenez-vous souvent dans ce paradis de votre création ?

— Je vis toujours ici, répondit Sophie en baissant les yeux sous les regards passionnés de son admirateur.

— Ah ! Marguerite, entendez-vous ? elle ne quitte pas cette délicieuse retraite, reprit M. Richard Brandenberry.

— Prenez garde, mon frère, vous devenez bien étrange, je ne vous reconnais plus. Imaginez-vous, miss Martin Thorpe, qu’il devient poète depuis quelques semaines.