Page:Trollope - La Pupille.djvu/142

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la manière dont elle avait arrangé ses cheveux qui faisait cette ressemblance ; il fallait qu’elle eût vu le portrait de son cousin.

— Probablement, répondit Nancy, qui ne jugea pas nécessaire de dire que c’était elle qui avait conduit la jeune fille chez son oncle ; mais ce qui est sûr, c’est qu’elle ressemblait au portrait.

— Au portrait peut-être ; à lui jamais : car, malgré ses défauts, il était bon et généreux, et, quand vous connaîtrez cette vieille jeune fille, vous verrez si elle a du rapport avec l’affectueux et dévoué M. Cornélius. Ce n’est pas lui qui aurait demandé des friandises pour lui seul, et qui aurait relégué ses parents et bienfaiteurs dans des greniers, sous prétexte que la vue de la richesse les rendrait envieux et malheureux. Moi, Nancy, indépendante comme je suis, je lui aurais jeté les clefs à la figure en l’écoutant tout à l’heure, et j’aurais renoncé à servir cette fille avare, rancunière, méchante et cruelle, s’il ne m’était venu tout à coup une idée lumineuse par rapport aux Heathcote. J’ai compris que je pourrais leur être utile, qu’ils seraient plus heureux ici tant que j’y resterai, et qu’après tout, si cette péronnelle découvrait un jour ce que j’aurai fait contre ses ordres, il serait temps de l’envoyer promener et de m’en aller vivre de mes rentes.

— Au moins, ma tante, attendez pour cela que je sois en état de vous succéder : car, si j’étais femme de charge de Thorpe-Combe à vingt-six ans, que de gens cela ferait enrager !

— C’est bien, Nancy, je resterai, j’en prendrai mon parti. Quant à présent, je vais visiter les greniers, chercher des pots et des cuvettes pour les enfants, du pain d’épices, des provisions… Cela ira bien si elle ne me brusque pas trop. »

Quels que fussent les défauts de miss Martin Thorpe,