mettre en pension, elle en est bien la maîtresse, puisqu’elle est leur mère. »
Ces dernières paroles consolèrent un peu le major et sa femme. Tout en avouant que Sophie ne valait pas Florence, ils s’en voulaient d’avoir été sur le point de la brutaliser et revenaient un peu sur leur colère passagère.
Quant à sir Charles, il cherchait à définir et à comprendre le caractère de sa pupille, et ne pouvait y parvenir ; mais, malgré la générosité dont elle avait fait preuve en refusant l’argent du major, le baronnet n’en était pas moins convaincu que Sophie était bien la plus méchante créature qu’il eût jamais rencontrée.
Cette conversation terminée, miss Martin se retira dans sa chambre, au comble du bonheur d’avoir enfin obtenu l’éloignement d’Algernon, qu’elle ne pouvait plus voir depuis qu’elle avait senti qu’à Combe il avait deviné ses intrigues et ses cajoleries pour attirer sur elle seule l’attention et l’héritage de son oncle.
Elle avait du reste bien des raisons d’être si fière et si heureuse, car non-seulement elle avait obtenu ce départ, mais aussi une somme énorme par rapport à sa position, puis le droit, par sa générosité, d’être maîtresse absolue dans sa magnifique propriété ; d’ailleurs elle comptait aussi qu’à force d’adresse elle finirait par se débarrasser de trois des enfants de sa tante.
Ce qui la flattait surtout, c’était d’avoir triomphé de ses deux tuteurs, tous deux si forts et si déterminés : car ce que Sophie préférait à tout, c’était le pouvoir, un pouvoir sans bornes.
Il y avait aussi au fond de son cœur une autre passion qu’elle avait cachée jusqu’alors : c’était l’ambition de devenir lady en épousant le beau et charmant baronnet. C’était là son but le plus cher, maintenant qu’elle possédait cette superbe fortune, et, quoiqu’elle sût fort