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Il voulut s’acquitter par un paiement divin ;
Et comme Jean lui-même apparaissait enfin,
Il prononça ces mots qui firent que la femme,
Jusque-là vaine idole ou marchandise infâme,
Au rang de l’être humain élevée à son tour,
Méritât désormais le respect et l’amour :
« Mère, voici ton fils ; ô fils, voici ta mère ! »


V

Socrate, réponds-moi, quand la ciguë amère
Jusqu’en ton cœur glacé fit descendre la mort,
Et quand partit ton âme, en un suprême accord,
Pourquoi donc écarter la femme, comme indigne
D’assister à l’adieu du sage, au chant du cygne ?
En cela tu faillis, ô subtil précurseur ;
Et pour cela surtout, tes rêves de penseur,
Tes symboles si purs, tes souffles si sublimes,
De l’humaine forêt n’ont touché que les cimes.
Tu n’es pas descendu jusqu’à ses profondeurs,
Où germe l’avenir dans l’humble sein des fleurs ;
Et la femme manquant à ton œuvre féconde,
Sais-tu ce qui manquait ? c’est la moitié d’un monde.
Mais Jésus, pour bâtir son souple monument,
Comprit bien que des pleurs il fallait le ciment,
Que la femme avait place en sa future Église,
Qu’elle serait la grâce où Pierre était l’assise,
Et que rêvant un temple, il devait l’étayer
Sur la svelte colonne unie au fort pilier,