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Et toi le plus aimé parmi les Douze, Jean,
Qui souvent reposas sur son cœur indulgent
Ta tête harmonieuse aux purs bandeaux de vierge,
On ne voit pas encor que ton visage émerge
Sur le fauve océan de ces sinistres fronts,
Comme un sourire éclos au milieu des affronts.
Et toi, Lazare, et toi, pitoyable fantôme,
As-tu déjà revu le nocturne royaume
D’où l’ami lumineux et bon te rappela ?
Ou si tu vis encor, pourquoi n’es-tu pas là ?
Et lorsque la victime échouait accablée
Sous la croix, qui de vous, pêcheurs de Galilée,
Offrit son bras loyal, plutôt que d’en charger
Le mercenaire bras d’un passant étranger ?
Ne méprisez pas tant l’Iscariote infâme ;
L’or a tenté sa main, mais la peur prit votre âme ;
Et trahissant le Maître autrefois adoré,
Si lui seul l’a vendu, vous l’avez tous livré…
Mais où l’homme a failli, la femme sera forte.


II

Dans les sombres reflux de sa haineuse escorte,
Le douloureux marcheur, par intervalles, sent
Une ombre qui le suit, au pas compatissant,
Et, comme le rayon d’une invisible étoile,
Un regard affligé, qui pleure sous un voile.
Il sent tout près de lui, fugitives douceurs,
Ou sa mère divine, ou ses terrestres sœurs.