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Et puisque en ce récit, qui nous a fait trembler,
La voix de Dieu lui-même a paru nous parler,
Reprenons tous les deux notre tâche sur terre,
Moi dans le monde, hélas ! vous dans le cloître austère,
Et si nous chancelons dans notre dur chemin,
Nous prierons l’un pour l’autre en nous tendant la main.

RAOUL, relevant peu à peu la tête.

Oh ! qu’une âme de femme est généreuse et forte,
Quand, vers le sacrifice, un saint élan l’emporte,
Et si, par trop d’amour, elle tombe un moment,
Qu’elle remonte vite au noble dévouement !
Il faut donc qu’elle parte, alors que je demeure ;
Et tristes pèlerins s’étant rejoints une heure,
Nous devons entre nous remettre désormais
Ce mot irréparable et déchirant : Jamais !
Eh ! bien, séparons-nous. Dans notre âme blessée
Nous garderons, du moins, cette chère pensée,
Que plus nous souffrirons de l’exil, plus nos cœurs
Iront se rapprochant dans les mêmes douleurs.

LOUISE.

C’est vrai ! nous nous quittons et pourtant il me semble
Que, restant vertueux, nous resterons ensemble.

RAOUL.

Hélas ! j’en souffrirai, mais j’aurai la douceur
De me dire tout bas : Elle est toujours ma sœur,
Ma sœur dans la vertu comme dans la souffrance.