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VI

Car mon Rhône n’est pas le Rhône des cigales,
Du soleil éclatant, des éclatantes voix,
De toutes vos chansons vibrant d’ardeurs égales,
Félibres d’aujourd’hui, troubadours d’autrefois,
Le Rhône triomphant à la rive sonore,
Dont Avignon s’enchante et dont Arles s’honore,
Bruyant au crépuscule et bruyant dès l’aurore,
Encor plus latin que gaulois.


VII

Mon Rhône, du Léman au coteau de Fourvière,
Roule le manteau bleu de ses limpides eaux,
Et fait monter au ciel l’encens de la prière
Dans les blanches vapeurs flottant sur ses roseaux ;
Ozanam et Flandrin se croisent sur la rive,
Amiel y médite, et Quinet en dérive,
Et Puvis y déploie, âme contemplative,
Sa toile aux violets réseaux.


VIII

Avec le Dieu caché Laprade y communie ;
Ballanche y promena son rêve attendrissant ;
Rousseau, dans son enfance y trempa son génie,
Profond comme le Rhône, et comme lui puissant ;
Vous y trempiez aussi votre âme girondine,
Ô madame Roland !… et s’il n’a pas d’ondine,
Il a ses doux martyrs, et de sainte Blandine
Reçut le baptême du sang.