Page:Trobriand - Le rebelle, 1842.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Allez ! monsieur, une mort sans honte vaut mieux qu’une vie souillée par de telles ignominies.

Il ajouta encore, mais très bas : pauvre sœur ! — Puis il se renferma dans un fier silence, promenant sur la foule hurlante un regard plein de calme et de force.

Le convoi reprit sa marche lente vers la prison neuve.

IX.


L’insurrection canadienne était étouffée ; les mesures réactionnaires eurent leur cours, ciment dangereux dont les oppresseurs se servent pour consolider leurs œuvres et qui cependant en précipite souvent la ruine. Les paroisses rebelles durent encore courber le front sous un joug que leur tentative avait rendu plus pesant, mais non plus solidement établi comme le prouva l’insurrection de l’année suivante.

L’hiver s’écoula dans une tranquillité trompeuse, et sans que rien entravât la marche des vengeances du pouvoir.

En 1838, à cette époque de l’année où les bourgeons reverdis annoncent le réveil de la nature dans ces contrées ensevelies pendant quatre ou cinq mois sous un linceul de glace et de neige, un jeune homme entrait à Montréal par le faubourg de Québec. Il marchait à pas hâtés et le front courbé sous le poids d’une préoccupation facile à remarquer. Par instants, comme si une pensée soudaine le rappelait au sentiment de la réalité, il jetait autour de lui un regard rapide et soupçonneux, puis continuait sa route en rabaissant sur son front le capot gris qui ne laissait guère apercevoir que ses yeux amaigris et creusés sans doute par la fatigue. Son costume, du reste, ne donnait lieu à aucune remarque ; le temps était mauvais, et la pluie chassée par le vent tombait en gouttes pressées et obliques, ce qui rendait général l’usage du capot. Cependant, en avançant davantage dans la grande rue du faubourg, l’étranger remarqua que le nombre des passants augmentait de plus en plus, et bientôt même il se vit entouré de groupes animés marchant dans le même sens que lui. Cette affluence d’autant plus extraordinaire que l’état de l’atmosphère était pire, excita vivement sa curiosité, et pour en comprendre le motif ou le but, il se prit à écouter la conversation des hommes les plus rapprochés, en réglant son pas sur le leur.

— Que Dieu les bénisse ! disait l’un d’eux. Ils ont fait leur devoir,