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dans sa main un petit portefeuille souillé de boue dans lequel il choisit parmi quelques autres papiers, celui qu’il demandait. Il en brisa le cachet, le parcourut rapidement ; puis écrivit à son tour quelques lignes.

— Signe, dit-il froidement en présentant le papier à Barterèze tandis que de l’autre main il saisissait le pistolet. Tu sais bien qu’il me faut ton nom.

Le conseiller signa.

— Je te donne rendez-vous dans huit jours à Montréal, dit encore Durand. Cela fait, Dieu sera ton juge, car tu n’entendras plus parler ni d’elle ni de moi.

À ces mots, il sortit.

— Va ! va ! murmura Barterèze, tu dis bien, dans huit jours j’en aurai fini avec elle et avec toi.

VII.


La journée qui succéda à cette nuit funeste, se passa toute en soins lugubres sous le toit des Mac Daniel. Le cadavre du jeune volontaire y fut rapporté dès le matin par des gens du pays, car ses compagnons avaient été contraints de fuir devant les Canadiens, leur abandonnant les deux prisonniers qu’ils étaient venus délivrer. L’état d’Alice Mac Daniel quoique moins grave, n’avait pas cessé d’être alarmant. Elle était tombée dans un état de torpeur léthargique dont rien ne pouvait la tirer. Une fois, une seule fois elle en sortit pour renvoyer par un geste de dégoût, le conseiller Barterèze dont le regard louche se montrait derrière les rideaux.

Vers le soir arriva de Montréal le vieux Mac Daniel ; les nouvelles fatales se propagent vite, et il avait appris un des premiers la catastrophe de la nuit précédente. La contenance du vieillard en présence de son fils mort et de sa fille mourante fut sublime. Sa douleur ne s’exhala point en cris ni en imprécations ; il garda un silence plein de désespoir, levant vers le ciel son regard empreint d’une pieuse résignation. D’une voix altérée il prescrivit lui-même toutes les mesures pour la funèbre cérémonie, puis abandonnant la veillée du mort à un prêtre, comme il est d’usage parmi les catholiques, il alla s’asseoir au chevet de l’enfant qui lui restait encore.

Denis Mac Daniel fut enterré sans pompe au milieu du recueillement général, car dans la foule qui vit passer le convoi, presque tous allaient