Page:Trobriand - Le rebelle, 1842.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

capitulation et promesse que lui, sa robe de chambre, son bonnet, sa maison et sa servante seraient respectés et à l’abri de toute voie de fait.

Ce qui fut ponctuellement exécuté.

L’orage du dehors diminuait beaucoup d’intensité, et la garnison de la place prise commençait à s’en croire quitte pour la peur, lorsque l’arrivée de deux nouveaux personnages vint changer le côté burlesque de cette scène. L’un des deux était Laurent de Hautegarde, et l’autre le mystérieux personnage qui déjà le matin avait conduit un rassemblement à la poursuite de Denis Mac-Daniel dans la maison où se trouvait alors Barterèze. À leur aspect, le conseiller se sentit défaillir.

— Que voulez-vous de moi, Monsieur ? dit-il à l’inconnu du ton d’un criminel devant son juge.

— Ne vous ai-je pas promis que nous nous reverrions ? dit d’un ton grave ce singulier personnage. Eh ! bien, je suis homme de parole.

— Monsieur, reprit le conseiller en l’entraînant vers une fenêtre et de façon que lui seul pût entendre ses paroles, je vous ai offert tout ce qu’il était en mon pouvoir…

— Fi ! reprit l’étranger ! De l’argent ?

— C’est plus que je ne devrais peut-être, car, après tout, que puis-je redouter de vous ? Il faut bien que ce secret demeure entre nous, puisque vous ne pouvez me perdre sans déshonorer votre nom.

— Et c’est là votre sauvegarde ? dit l’étranger d’un ton railleur ; alors nous ne nous connaissons pas encore.

— Quoi ! s’écria le conseiller, vous l’oseriez !

L’inconnu ne répondit que par un regard froid, mais résolu, qui renfermait la menace d’une infatigable vengeance. Ce seul instant suffit pour opérer dans Barterèze une révolution morale et désespérée. Dès qu’il eut compris ce dont son adversaire était capable pour le perdre, sa détermination fut prise de le prévenir à tout prix. Ce devait être un duel à mort dont eux seuls connaissaient le mystère, car Laurent de Hautegarde n’était entré dans la maison que pour prévenir le désordre en formulant paisiblement la volonté des habitans de Saint-Charles.

— Monsieur, dit-il à Barterèze, un homme qui a trahi la cause du peuple ne saurait sans inconvéniens demeurer plus long-tems dans ce village. Par mesure de prudence, je vous engage à le quitter prochainement ; en cas de refus de votre part, ce serait un ordre auquel il serait dangereux pour vous de ne pas obtempérer.