Page:Tristan L’Hermite - Les Amours de Tristan, 1638.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Affreuſe Deïté, Démon paſle & deffait,
Qu’on n’inuoque iamais qu’en vn tragique effet,
Où l’unique ſalut eſt de n’en point attendre.
Deſeſpoir ie t’inuoque au fort de mes malheurs,
Par ton ſecours fatal vien maintenant m'apprendre
Comment on doit guerir d’incurables douleurs.

Auance toy, de grace, ô fantoſme inhumain !
Fais vn traict de pitié d’vne barbare main,
Et produis mon repos en finiſſant ma vie ;
Ie ne redoute point ce funeste appareil :
Car ne pouuant plus voir les beaux yeux de Sylvie
Ie ne veux iamais voir la clarté du Soleil.

Ah ! ie te voy venir accompagné d’horreur,
La triſteſſe, l’ennuy, la rage, & la fureur
N’enuironnent ton corps que de fer & de flame,
Tu tiens de l’Aconit & portes au coſté
Le poignard qui finiſt les regrets de Pirame,
Et celuy dont Caton ſauua ſa liberté.

Sur vn ruiſſeau de ſang qui coule ſous tes pas,
L’image du deſpit, & celle du treſpas
Brauent le ſort iniuste, & la rigueur indique ;
Et me monstrant les maux que ie dois eſprouuer,
La honte & la colere à l’enuy me font ſigne
Qu’il faut que ie me perde afin de me ſauuer.