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I'adore, ie l'aduouë, vne Beauté diuine
      De qui la celeſte origine
Condamne mes deſirs de trop d'ambition :
Mais quoy ? de quelque erreur dont ſon eſprit m'accuſe,
Ses appas ſont ſi doux, que iamais paßion
Ne fut ſi temeraire & ſi digne d'excuſe.

Sa bouche & ſes beaux yeux ont des traicts indomptables
      Et des charmes ineuitables,
Il n'eſt rien de ſi doux, il n'est rien de ſi fort,
Ô Dieux ! qu'il m'eſt ſenſible en touchant ſa loüange
De n'auoir en mes maux que le ſeul reconfort
De ſeruir vn Tyran qu'on prendroit pour vn Ange.

Mais que ce dur glaçon qu'elle porte dans l'Ame,
      Reſiſte touſiours à ma flame,
Et que plus ie la prie elle m'exauce moins :
Ie luy veux conſeruer vne ardeur ſi fidelle
Ne deuſſay-ie obtenir iamais rien de mes ſoins
Que la ſeule faueur de mourir aupres d'elle.

Cependant mille voix dont ma fin m'est predite
      M'annoncent qu'il faut que ie quitte
Cét Obiect que ie ſers avec ſi peu de fruit,
Destin, veille ceſſer de me faire la guerre,
Et monstre ta clémence à dißiper vn bruit
Qui m'eſt außi mortel qu'vn eſclat de Tonnerre.