Page:Tristan L’Hermite - Les Amours de Tristan, 1638.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


L’AME INSENSIBLE.

SONNET.



Ô Fierté ſans exemple ! ô rigueur ſans ſeconde !
À quel mal-heur, ô Dieux, m’auez vous deſtiné,
Et quel crime ay-ie fait pour me voir condamné
À me plaindre touſiours ſans que l’on me reſponde ?

Aux peines que ie prens ie ſeme deſſus l’onde,
Et flattant les beaux yeux qui m’ont empoiſonné
Ie ne puis eſmouuoir vn courage obſtiné
D’vne amour qui pourroit eſbranler tout le Monde.

Pleuray-ie inceſſamment, on ſe rit de mes pleurs,
Monſtray-ie mes ſoucis, on les prend pour des fleurs,
Contay-ie mon ardeur, on ne croit point ma flame.

Et lors que i’ay la Terre & les Cieux pour teſmoins,
Qu’auec le plus d’excés on outrage mon ame,
C’eſt quand on fait ſemblant qu’on y penſe le moins.