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L’HUMEUR INGRATE.

SONNET.



PAR la malignité d’vne Estoille inconnuë
Dont le pouuoir s’applique à me tyranniſer ;
En adorant Philis, ie m’en fay meſpriſer,
Et plus mon feu s’accroiſt, plus le ſien diminuë.

S’il faut qu’à s’augmenter ſa froideur continuë,
À l’enuy de l’ardeur qui me vint embraſer :
Ie ne croy pas iamais en auoir vn baiſer,
Ny luy voir ſeulement vne main toute nuë.

Apres tant de ſouſpirs & de pleurs reſpandus,
Apres tant de loiſirs & de pas deſpendus
Voila ce que remporte vne amour ſi fidelle :

Et ſon ingrate humeur me reduit à tel point
Que mon dernier ſecret, pour me faire aimer d’elle,
Est de faire ſemblant que ie ne l’aime point.