Cloris il eſt certain, luy dis-ie en ſouſpirant,
Que cette paßion m’a rendu miſerable :
Ma peine auec le temps va touſiours empirant
Et Siluie eſt inexorable.
Mais quoy ? ton apareil treuue vn mal incurable
Ie n’en ſçaurois iamais guerir,
Et quand ie le pourrois, i’aimerois mieux mourir.
Mon ame eſt ſi portée à cherir ſa priſon
Qu’elle penſe touſiours à la rendre plus forte ;
Et ne ſçauroit ſoufrir que iamais la Raiſon
Luy parle d’en ouurir la porte.
Ô prodige nouueau ! que i’aime de la ſorte
Et que tant d’inhumanité
Ne puiſſe faire breche en ma fidelité,
Il ne m’eſt plus permis d’en faire moins de cas
Quoy que de cét excez mon eſprit aprehende ;
Et i’ay les ſentimens tellement delicats
Pour les ſoins qu’il faut qu’on luy rende,
Que ie tiens qu’icy bas la gloire la plus grande
Seroit celle de la ſeruir
Auſsi parfaitement qu’elle m’a ſçeu rauir.
Page:Tristan L’Hermite - Les Amours de Tristan, 1638.djvu/197
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.