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Il a ſi bien tiré vos yeux & voſtre teint,
Que deuant ce tableau ie ſuis touſiours en crainte :
Mais quoy ie recognoy qu’vn mal qui n’eſt pas feint
      Ne peut guerir par vne feinte.
Et dans mon ſouuenir vous eſtes ſi bien peinte
      Que les traits dont vous me charmez
Me ſont mieux découuerts quand i’ay les yeux fermez.

Ie le garde pourtant auec autant de ſoin
Que vous pouuez garder voſtre Brebis cherie :
Quelque part que ie ſois, il n’en eſt iamais loin ;
      Soit que i’erre dans la prairie,
Soit qu’à l’ombre d’vn bois ie tombe en réſuerie,
      Soit que ſur vn lac eſcarté
Ie contemple des eaux la molle oiſiueté.

Il fut vn iour teſmoin des ſecrets qu’on m’aprit
Pour ſeruir d’antidote au trait qui m’empoiſonne :
Ce ſont quelques conſeils d’vne Nimphe d’eſprit
      Et d’vne fort belle perſonne.
La choſe fut ſi vaine, & vous eſtes ſi bonne,
      Que ie puis bien vous la nommer
Sans que vous la puißiez pour cela moins aimer.