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Ie n’ay pas ſimplement cette noble fierté
Qui protege par tout vne foible innocence :
Mon eſprit que vos yeux priuent de liberté,
      N’est point priué de cognoiſſance :
Ie ſçay le cours des Cieux, & cognoy la puiſſance
      De cent racines de valeur
Qui peuuent tout guerir excepté ma douleur.

Ie vous pourrois monſtrer ſi vous veniez vn iour
En vn parc qu’icy prés depuis peu i’ay fait clore,
Mille Amans transformez, qui des loix de l’Amour,
      Sont passez ſouz celles de Flore :
Ils ont pour aliment les larmes de l’Aurore.
      Dieux ! que ne ſuis-je entre ces fleurs,
Si vous deuez vn iour m’aroſer de vos pleurs !

Vous y verriez Clytie, aux ſentimens ialoux,
Qui n’a pû iuſqu’icy guerir de ſa iauniſſe ;
Et la fleur de ce Grec dont le boüillant couroux
      Ne peut ſouffrir vne iniuſtice :
Vous y verriez encore Adonis & Narciſſe
      Dont l’vn fut aimé de Cypris,
L’autre fut de ſon ombre aueuglement épris.