Nous y passions scrupuleusement trois heures le matin et trois heures l’après-midi. Et l’on ne s’ennuyait pas trop. Car nous avions tous les jours à deviner, dans les quotidiens, un bon nombre de mots carrés, de mots en étoile et de problèmes chiffrés. Le temps de chercher les solutions, qu’il fallait envoyer par la poste, l’heure du dîner arrivait assez vite.
Je vois encore au mur un portrait de steamer de la ligne Cunard et un tableau des pièces de monnaie à refuser, qui ne fut jamais consulté que par désœuvrement.
Notre oncle Guêpier, par un mot rapide, nous annonçait son arrivée et nous priait de venir le voir, au plus tôt, dans un appartement meublé qu’il occupait provisoirement rue d’Amsterdam.
Nous nous décidâmes à y aller tous les trois, et nous laissâmes fermé pour un jour le Comptoir de la navigation lacustre. « C’est justement parce que nous serons sortis qu’il viendra du monde aujourd’hui, » disait mon frère Adrien. Personne d’ailleurs ne vint non plus ce jour-là.
Nous embrassâmes le frère de notre mère sur sa rude barbe blanche. Il était gros, bon vivant et affable. Son cou apoplectique rayonnait comme l’aurore de notre fortune prochaine. Mais nous fûmes fort désappointés quand notre oncle Guêpier nous présenta une jeune Allemande, sèche et rousse, que, sans dire gare, il avait épousée huit jours auparavant. Nous fîmes pourtant bonne figure à cette personne.
L’oncle nous paya un bon dîner dans un restaurant voisin. Et, les bons vins aidant, nous nous consolâmes peu à peu de