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Et le duc de Sableplein dont, depuis des temps reculés, les ancêtres étaient toujours arrivés à Paris dans de somptueux carrosses, le duc de Sableplein n’avait à lui que quatre francs en bon de poste et deux billets de tombola.

Alors, il résolut de s’acheter avec ses quatre francs une paire de sabots rustiques et de sortir, lui, de Paris, en sabots.

Vêtu d’un costume de voyage et chaussé de sabots en bois blanc, le duc de Sableplein est sorti de Paris par la porte de Flandre.

Faute d’une publicité suffisante, cette manifestation passa, d’ailleurs, totalement inaperçue.

Après avoir traversé des banlieues et des banlieues, le duc s’arrêta au bord d’une rivière, et se prit à réfléchir sur l’inanité de sa protestation, et sur l’incurable tristesse de sa position sociale.

Puis, il prit un de ces bains froids qui durent très longtemps, et d’où l’on sort, quand on en sort, un peu tuméfié et en assez vilain état.

Le duc de Sableplein est entré dans l’au-delà en sabots. Il sera le Parvenu des Félicités Éternelles, si dit vrai l’Écriture.