de moyens, dont le plus anodin est la lettre de menaces anonymes : « Un ami secret conseille à M. X… de ne pas sortir aujourd’hui, et ce dans l’intérêt de sa vie. » Mais il faut que la manœuvre soit très habile, car ils savent bien quand c’est jeudi, les mâtins, et ils se tiennent tous sur leurs gardes.
« Les candidats, bien entendu, sont au courant de ces petites faiblesses. Il n’en est pas un qui, au cours d’une visite académique, ne dise d’un air détaché : « Je ne pourrai pas malheureusement faire preuve d’une grande assiduité aux séances du jeudi : je dois vous prévenir que je suis retenu ce jour-là par des obligations très graves. » Ces déclarations laissent les académiciens assez sceptiques. « Ils promettent tous ça, » me disait un de mes collègues. « et, dès qu’ils sont reçus, on ne voit qu’eux aux séances. »
« Quand Pierre Loti a posé sa candidature, ses partisans disaient hypocritement en faisant leur propagande : « Nous avons peut-être tort de le nommer. Il n’est jamais en France. Comment travaillera-t-il au dictionnaire ? » On l’a nommé, naturellement, et, depuis son élection, il ne quitte jamais la terre ferme ni l’Institut. On a même demandé des explications officieuses au ministère de la marine.
« Et Brunetière ! Lorsqu’il s’est présenté, il faisait des conférences tous les jeudis à l’Odéon. On s’est donc dit : « Il ne viendra pas à l’Académie » et on a tous voté pour lui comme un seul homme. Aussitôt élu, il a raconté qu’il souffrait de maux de tête et que le médecin lui recommandait tout spécialement le travail du dictionnaire. Et, depuis sa réception, il ne manque pas une de nos séances. »