Le docteur Isidorus présenta une motion, qui fut adoptée à l’unanimité.
« Admettons, disait ce savant docteur, que les Martiens sont beaucoup plus avancés que nous dans la voie du progrès et qu’ils se sont rendu compte, par des moyens perfectionnés de téléphonie et de téléphotie, de tout ce qui se passe à bord de notre planète. Risquons donc le coup et écrivons-leur en français. Ça ne nous coûtera jamais que vingt-deux milliards !
Pour écrire à des gens qui habitaient si loin, il fallait se procurer une feuille de papier énorme et surtout un endroit très plat pour l’étaler. On choisit l’endroit classique pour une expérience de ce genre, les déserts de l’Afrique centrale ; on supprima des oasis, on rasa des villages de nègres, pour empêcher que l’immense feuille fît des plis. Par la même occasion, on civilisa des quantités de noirs, et l’on convertit au végétarisme tous les cannibales de l’Ouandsi, de l’Ouandgé et de l’Ouandga, si friands jusque-là de chair humaine qu’ils nourrissaient de leurs propres oreilles leurs ventres affamés.
On réquisitionna tous les produits des fabriques d’encre, si bien qu’en Europe l’encre manqua. Mme Séverine dut écrire sur l’écorce des arbres ses éloquents appels à la charité publique, durant que des tambours de ville, pareils aux anciens rapsodes, déclamaient dans les carrefours de Limoges, des Andelys ou de Loudéac les alexandrins de M. François Coppée.
Quand on eut rendu, par des procédés chimiques, l’encre parfaitement lumineuse, d’immenses rouleaux, traînés par des bœufs, l’étalèrent pour former les lettres sur la feuille de papier. Ce travail dura près de quatre mois. Comme les signaux de Mars continuaient de plus belle, on avait décidé d’envoyer d’abord cette brève interrogation :
— Plaît-il ?
Chacune de ces lettres mesurait cent lieues de hauteur. Et