mon ami Édouard. Chemin faisant, je l’embrassai tendrement et nous échangeâmes nos petits noms. Elle s’appelait Rosalie. Puis j’entamai une longue dissertation pour démontrer la supériorité du restaurant où nous allions sur d’autres restaurants moins confortables, quoique plus à la mode. On nous installa dans un petit cabinet. Je pris la carte et je proposai quelques plats compliqués qu’elle refusa discrètement. On s’en tint finalement au potage et à des viandes froides assorties. Pour corser l’addition qui restait bien au dessous de mes prévisions, si restreintes qu’elles fussent, je commandai (signal des galantes entreprises) une bouteille de champagne, dont nous parvînmes, en nous forçant un peu, à absorber la moitié.
Nous nous rendîmes à huit heures un quart au théâtre. C’est certainement un plaisir de raffiné que de se trouver seul dans une salle de spectacle. Mais, pour le bien goûter, il faut s’appeler Louis de Bavière et avoir voulu cette solitude. Je constatai avec amertume que la presse avait encore exagéré le succès des Remords d’Alberte, et j’aurais presque consenti à payer des passants pour garnir les banquettes. Enfin, quand le rideau se leva sur la grande pièce, je m’estimai heureux de compter vingt-trois personnes au parterre. En regardant attentivement la scène, on n’apercevait pas le vide du balcon.