— Ah ! oui, dit-il. Ce doit être aujourd’hui la mi-carême.
Un fiacre à galerie passait. Il lui jeta l’adresse de son petit appartement de garçon : 64, rue du Colisée. Les coussins de la vieille voiture étaient à peine secs. Il faisait humide comme dans la terre. Pierre Arabin grelotta et se mit à pleurer.
Il pleurait sans savoir pourquoi. Il ne songeait à rien. Il semblait que son court séjour dans la terre lui eût fait perdre l’habitude de penser.
La voiture allait au pas au milieu de la foule. Il pleuvait. La boue, sur le sol, était rose de confetti écrasés. Les arbres s’agrémentaient tristement d’une frondaison de carnaval. Autour de leurs branches nues, des serpentins multicolores s’emmêlaient comme des cheveux de femme autour d’un vieux peigne.
Quand le fiacre eut échappé à la cohue des quartiers centraux, Pierre Arabin sentit poindre en lui une anxiété. Quel effet allait-il produire chez lui, sur son concierge et sur son domestique ? Il descendit lentement du fiacre et s’avança à tout petits pas vers la loge. Mais le concierge était sorti. Une voisine gardait la loge.
— Y a-t-il quelqu’un à l’entresol ? demanda Pierre Arabin.
— Vous ne savez donc pas ? dit la voisine. Le monsieur de l’entresol est mort lundi dernier. On l’a enterré hier.
— Et il n’y a personne là-haut ?
— Vous pensez. Le domestique est parti. On a mis les scellés.
Pierre Arabin n’avait pas sa clef. On ne pense pas à enterrer les morts avec leur clef.
Il manquait aussi d’argent. Il avait seulement au doigt une bague avec un petit brillant. Il résolut d’aller la vendre. Il remonta dans son vieux fiacre, grommelant, et se fit conduire rue de la Paix. Il eut peine à trouver une boutique ouverte. Un bijoutier le regarda avec de petits yeux et lui dit cette phrase