un laps de temps fixé par moi à l’avance, le sonneur de trompette, que tu vois là, sonnera de son instrument ; au moment où la trompette sonnera, il faut que tu aies mis pied à terre, sous peine d’être, à l’instant même, livré au bourreau. Si tu tiens à la vie, il est donc plus prudent de laisser là ce cheval et de venir t’asseoir près de moi sur l’estrade, d’où tu suivras le reste de la fête.
« Seulement je tiens à te prévenir que si, ayant enfourché le cheval, tu arrives au premier poteau avant que la trompette ait sonné, tu toucheras mille sequins d’argent ; si tu parviens au deuxième mât, tu auras dix mille sequins, au troisième, cent mille ; au quatrième, un million, et ainsi de suite, selon la même proportion. Mais prends garde à l’appel de trompette. »
Roger n’hésita pas. Il se dit qu’il atteindrait sans péril le deuxième poteau. Il mettrait pied à terre et se contenterait d’emporter dix mille sequins (un peu plus de dix mille francs de notre monnaie). Il éperonna son cheval et, sous une clameur enthousiaste, passa devant le premier mât. Mille sequins ! Éperonné à nouveau, l’étalon arabe, en quelques puissantes foulées, atteignit le mât des dix mille sequins. Mais Roger ne s’arrêta pas. Le poteau des cent mille sequins était proche. Il était à peine dépassé, que le cavalier, penché sur sa monture, aperçut le quatrième. Un million de sequins ! La fortune ou la mort ! L’immense clameur de la foule s’était écroulée tout à coup, et entre la double haie d’angoisses, le galop du cheval s’entendait seul dans le vaste silence. Au moment où Roger dépassait le cinquième mât (dix millions de sequins !), un subit pressentiment lui fit quitter la selle et sauter prestement à terre. Il était temps. À peine touchait-il le sol libérateur, que l’appel de trompette sonna solennellement dans l’espace, noyé aussitôt dans les cris débordants des spectateurs.