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l’honneſteté) qui ramoyent. C’eſtoiẽt de ceux qu’on appelle Caffres : car ce païs d’Affrique, qu’on nomme Cafraria, n’eſt eſloigné du Mozambic que d’vn petit bras de mer, auquel le P. Gonſalue Sylueria Portugais, Gẽtilhomme de bonne part, & oncle maternel du General de noſtre flotte, auait enduré vn glorieux martyre à Monomotapa, pour la foy de noſtre Seigneur. Ces Caffres ſont gens rudes & barbares, nés pour ſeruir d’eſclaues. I’auois couſtume de dire que chacun d’eux n’auoit que la moitié de l’àme raiſonable, & que deux en auoyent vne toute entiere. Leurs bateaux ſont tous d’vne piece, & faits du trõc d’vn arbre creux, ſans iointure & ſans fer, cõbien que leurs plus grãds vaiſſeaux n’ont point auſſi de fer ny de cloux : mais ils ioignent les ais, ou pour mieux dire, les couſẽt auec de gros filets qu’ils tirent des Palmiers. Quand les Portugais, habitans du Mozambic, furent ſautez dãs noſtre nauire, ce fut à demander d’vn coſté & d’autre des nouuelles, eux de Portugal, & nous des Indes. Ie raconteray tout par le menu, ſçachant bien que vous ne vous laſſerez point de le lire. La triſte & deplorable face de l’Iſle monſtroit aiſément ſon mal-heur, car il me sembloit voir nos villages du païs bas, de-