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pluſtoſt des vrays cachots. Quãt à nous, nous eſtions diuiſez en trois diuers endroicts, quatre en la pouppe, cinq ſur le gouuernail, & deux pres du maiſtre maſt, & icy nous eſtions fort commodément logez, ſi eſtans aſſis ſur le plancher, nous ne choquions de nos teſtes cõtre les cheurons du Nauire en vne ſi grande agitation & esbranlement de la mer : car de demeurer debout, ou bien d’eſtre aſſis en vne chaire, c’eſt vn prodige en ce lieu là, auquel les Pygmées triomphent des plus grands Geants. Les viandes qu’on y mange les plus communes ſont, le porc ſalé, le riz, & le poiſſon ſec, tel qu’eſt notre ſtoefix, ou merluſſes : (on garde la volaille pour les malades) le pain, le vin, & l’eau, laquelle eſt telle, que pour la prendre il ne la faut ny voir, ny flairer. Bref en tout cela on ne manque point de ce que recherchent tant ceux, qui deſirent aller aux Indes, c’eſt à dire d’occaſion de beaucoup patir & endurer ; mais noſtre bon Dieu nous aſſiſte de ſon ayde & de ſes plus douces conſolations. Croyriez-vous bien que celuy que vous auez cogneu autres fois ſi encatharré, qu’il ne faiſoit que touſſir, & ſembloit à demy mort, parmy tant de meſaizes & incommoditez, parmy l’air eſtouffé de la mer, parmy la