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ABS ABU


dités d’une telle supposition. La plus grande des absurdités est la contradiction. Quelle foi peut-on ajoûter à des gens qui proposent sérieusement d’aussi grandes absurdités ? Le Gend.

ABSUS. s. m. Herbe qui croit en Egypte, à la hauteur de quelques doigts. Ses feuilles ressemblent à celles du triolet ; & ses fleurs blanches, & d’un jaune pâle, produisent une semence noire, renfermée dans de petites cellules. Cette description est tirée de P. Alpin. On doit ranger cette plante parmi les Casses, & la nommer, Cassia sylvestris, Ægyptiaca, tetraphyllos. Bauhin l’appelle loto affinis Ægyptiaca. Pin. 332.

ABSYNTHE, ou ABSINTE. subst. masc. & fém. Selon Malherbe ; & selon Vaugelas, toujours masculin. On le fait plus ordinairement féminin. L’Académie Françoise le fait fépminin. Ménage veut qu’on écrive apsynthe par un p, sans doute à cause de l’étymologie. Plante médécinale. Les Botanistes anciens ne faisoient mention que de quatre espèces d’absynthe ; savoir, la vulgaire ou romaine, la menue ou pontique, la marine, & la santonique ; mais les Modernes en distinguent plus de trente espèces. Voyez Bauhin, Tournefort, Plukenet & Barrelier. L’absynthe vulgaire, grande absynthe, ou absynthe romaine, a ses racines branchues, chevelues, & éparpillées. De ses racines s’élèvent ordinairement plusieurs tiges, hautes de trois à quatre pieds, blanches & garnies de feuilles semblables à celles de l’armoise, branchues des deux côtés. Ses fleurs naissent à l’extrémité des branches & des tiges, & sont disposées en épi assez long, blanchâtre, & garni de petites feuilles qui soutiennent les fleurs. Chaque fleur est un bouton composé de plusieurs fleurons dorés, & renfermés dans un calice écailleux. Ces fleurons sont portés sur des embryons, qui deviennent des semences menues, oblongues & nues. Cette absynthe vulgaire est la plus en usage dans la Médecine. Plusieurs croient que c’est la barbotine qu’on appelle semen sanctum ; mais Mathiole dit que c’est une plante bien différente. Quelques-uns prétendent que l’absynthe est l’aurone femelle. L’absynthe menue, petite absynthe, ou absynthe pontique, est beaucoup plus basse ; ses tiges sont plus menues ; ses feuilles plus petites, plus finement découpées & moins blanches. Ses fleurs ont la même structure & le même arrangement que celles de la vulgaire ; mais elles sont un peu plus petites. Son amertume & son odeur ne sont pas si insupportables que celles de la vulgaire. La marine se distingue de la pontique par ses feuilles plus épaisses, moins découpées, & par son goût salin. A l’égard de la santonique, on a confondu sous ce nom diverses plantes, Voyez Barbotine.

L’absynthe est stomacale, apéritive, fébrifuge, bonne contre les vers & pour les vapeurs, les coliques, la jaunisse & les pâles couleurs. On la prend en infusion dans du vin ; c’est ce qu’on appelle vinum absynthites, en extrait, extracyum absynthii ; en sirop, syrupus de absynthio. On l’emploie dans les fomentations & dans les cataplasmes, pour arrêter les progrès de la gangrène. On ne se sert que des feuilles & des sommités de cette plante. Et de l’eau d’absynthe, aqua absynthites. On a aussi donné à l’absynthe le nom d’alvine, ou alvyne. Voyez ce mot.

Absynthe, figurément, signifie Douleur, amertume, déplaisir. Dolor animi. Mais je ne voudrois pas l’employer au pluriel comme Malherbe, qui a dit, adoucir toutes nos absynthes.

Ce mot vient d’α, particule privative en Grec, & πίνθιον ; c’est-à-dire, impotabile, non potable ; & les Comiques Grecs la nomment en effet ᾶπίνθιον, parce que c’est une plante si amère, qu’on a de la peine à boire une liqueur dans laquelle elle aura trempé. Quelques-uns le font venir du Grec ἅπτω, toucher, ἅψισθον, ᾶψεσθαι & veulent que ce nom ait été donné à cette plante par antiphrase, parce que nul animal n’en peut goûter, ni la toucher, à cause de son amertume. Cette étymologie n’est pas vraisemblable, & il est étonnant que d’habiles gens aient pu la hasarder ; ἅπτω est aspiré, & absynthium ne l’est pas : on dit ἀψίνθιον & non ἅψιστον ; l’un a un θ, & l’autre un τ, & le premier n’a pu se former du second, ni de ἅψεσθαι. D’autres le font venir d’ἀψίνθιον, qui veut dire désagréable, indelectabile, & qui s’est formé de l’α privatif, & de ψίνθος, plaisir, delectatio, à cause de l’amertume qui rend cette plante désagréable.


Cette étymologie paroît plus juste, & justifie en même temps l’orthographe d’absinthe, sans y.

ABU.

ABUNA, ou ABOUNA. s. m. Terme Arabe, qui se trouve dans les Relations, & qui signifie proprement, Notre Père. L’on s’en sert en parlant des Religieux Chrétiens Arabes. Ainsi ils disent, Abouna Ephrem ; c’est-à-dire, Notre Père Ephrem, qui est la même chose que si nous disions, Le Père Ephrem, en parlant d’un Religieux de ce nom, ou Père Ephrem, en parlant à lui même. Selon Portel, il faut dire Abana, אבאנא, & l’interprète Arabe l’écrit ainsi, Matth VI. 9. On dit cependant, Abouna, אבונא

ABUS, s. m. Dérèglement, ce qui se fait contre les règles, le bon ordre. Abusus. Il y avoit des abus dans tous les ordres de l’état, qui ont été réformés par Louïs le Grand. Les Conciles, les Ordonnances, tendent à réformer les abus contre la Discipline & la Police. C’est le Grand Constantin, qui, en introduisant les richesses dans l’Eglise, y a introduit en même-temps les abus, & le relâchement de la Discipline. Port-R. Ce Ministre a réformé les abus des Finances ; ce Président les abus de la Justice.

Ce mot se met quelquefois absolument pour rejetter ce qu’un autre a dit :

Abus, s’écria-t-il, hé ! devenez dévote. Deshoul.

Vous croyez réussir par-là, abus, abus ; vous n’en viendrez jamais à bout.

Abus, signifie aussi, Mauvais usage d’une chose. On commet bien de l’abus dans la distribution des aumônes. Les abus qu’on fait de l’Ecriture ne naissent pas de la lecture innocente du Peuple. Gomber. Le Concile de Trente a défendu les abus qu’on fait de l’Ecriture ; c’est-à-dire, les mauvais usages, les applications qu’on en pourroit faire à des choses profanes, mauvaises, criminelles.

Abus, signifie aussi, Erreur, mécompte, tromperie. Error. Si vous croyez que cela soit, c’est un abus ; c’est-à-dire, C’est une erreur, un mécompte ; vous vous trompez. C’est un abus que de croire telle chose, pour dire, que c’est se tromper. C’est un abus que de s’imaginer de réussir dans le monde sans avoir de puissans patrons. C’est un abus que d’exhorter un jeune libertin à songer à la mort ; pour dire, cela est inutile, on n’y gagne rien. C’est dans ce dernier sens que Mr de la Fontaine a dit fort élégamment dans ses fables :

Alléguer l’impossible aux Rois, c’est un abus ;

c’est-à-dire, que quand un Roi veut quelque chose, il faut lui obéir, quand même la chose seroit très-difficile, & paroîtroit impossible. Les Mahométans vivent dans l’abus ; ils suivent les abus de leur faux prophète. Dans ce dernier exemple, il signifie tromperie, & se prend activement. Il se dit plus ordinairement dans l’autre sens, qui est passif. En Arithmétique, quand la preuve ne se trouve pas bonne, on connoît qu’il y a de l’abus dans le calcul.

Appel comme d’abus. In abusu dicendi juris ad Regium superius Tribunal provocatio. C’est un appel qu’on interjette au Parlement, des sentences des Juges ecclésiastiques, quand ils entreprennent sur la Puissance séculière ; quand ils jugent des choses qui ne sont point de leur juridiction, ou quand ils jugent contre les saints Canons & la Discipline de l’Eglise. Les appels comme d’abus ont été introduits, autant pour s’opposer aux entreprises de la Juridiction ecclésiastique sur la Juridiction temporelle, que pour mettre ordre aux attentats de la Cour de Rome sur les libertés de l’Eglise Gallicane. Il est certain en effet que l’entreprise des Evêques alla si loin, qu’ils se rendirent les maîtres de toutes les affaires civiles sous des prétextes de piété, & qu’ils dépouillèrent presqu’entièrement la Juridiction séculière. On ne peut point déterminer tous les cas où l’on peut appeler comme d’abus, parce qu’on ne peut pas limiter toutes les contraventions dont les Ecclésiastiques sont capables pour relever leur autorité. Bouchel. L’abus ne se couvre point par quelque sentence, par quelque possession, ou prescription que ce soit. Quand l’Official juge du possessoire des dixmes inféodées, du possessoire des Bénéfices,


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