AFFOIBLIR. v. act. Rendre plus foible, débiliter, diminuer les forces, les abattre. Debilitare, frangere, infringere. Il se dit également dans le propre, & dans le figuré. La trop grande chaleur affoiblit le corps. A force de rabotter une planche, on l’affoiblit. Les bois affoiblis exprès sont toisés de la grosseur de leur bossage, & comme s’il n’y avoit aucun cintre, ni vuide. Affoiblir le crédit & l’autorité d’une personne. La vieillesse affoiblit la mémoire. L’affectation en matière de langage affoiblit la pensée. Il n’y a rien qui affoiblisse cette preuve. Affoiblir le parti des ennemis. Ablanc. Le temps affoiblit l’amour. Pell. Le relâchement des Directeurs faciles ne tend qu’à affoiblir la vigueur des loix. P. Caill. Le temps affoiblit les plus justes ressentimens. S. Evr. Le vin affoiblit les nerfs. Les afflictions affoiblissent l’esprit. La disette affoiblit bien-tôt une armée. On a ordonné le jeûne pour affoiblir les appétits sensuels. Affoiblir ses appas, pour affoiblir leurs droits. Corn.
Il se dit particulièrement des monnoies. Pondus vimque imminuere. On affoiblit l’or en le mettant dans l’eau forte, en y mêlant de l’argent, du cuivre, de l’émeril. Lorsque le besoin de l’Etat le demandoit, le Roi pouvoit non-seulement lever de grosses sommes sur la fabrication des monnoies; mais même les affoiblir, c’est-à-dire, en diminuer la bonté. C’est ce que nous apprend un plaidoyer fait en l’an 1304. par le Procureur Général de Philippe le Bel, contre le Comté de Nevers qui avoit affoibli sa monnoie. Item abaissier, & amenuiser la monnoie est privilege espéciale au Roi de son droit Royal, si que à lui appartient, & non à autre, & encor en un seul cas, c’est a sçavoir en nécessité, & lors ne vient pas le gaag ne conversit en son profit espécial, mais au profit & en la défense dau commun. Le Blanc.
Affoiblir, se dit d’un corps dont on ôte de l’épaisseur ou de la grosseur, ce qui le rend plus foible. On a trop affoibli cette poutre. Et figurément, on adoucit & on affoiblit la Croix de Jesus-Christ, en sorte qu’elle n’a plus ni dureté, ni pesanteur. Ab. de la Tr.
Affoiblir, est aussi neut. & signifie, devenir plus foible, plus débile, perdre de ses forces & de sa vigueur. Consenescere, debilitari, deficere. L’esprit lui affoiblit de plus en plus. Le parti affoiblit. Ablanc.
Affoiblir, est aussi neut. passif. Et signifie tout de même, Devenir moins vigoureux, moins fort, s’abattre, se débiliter. Son corps & son esprit s’affoiblissent beaucoup. Son autorité s’affoiblit tous les jours. Le tribunal de Drusus semble s’affoiblir.
AFFOIBLISSANT, ante. adj. Qui affoiblit. Debilitans, infringens, imminuens. La saignée trop réitérée est un remède affoiblissant.
AFFOIBLISSEMENT. s. m. Diminution de forces, diminution de vigueur : il se dit également bien dans le sens propre & dans le figuré. Debilitatio, infractio. Affoiblissement de corps. Affoiblissement d’esprit. La fleur de l’âge se passe, & la vigueur a ses affoiblissemens. Port-R. L’affoiblissement de la République de Rome est venu de la grandeur de ses citoyens. La vie austère produit l’affoiblissement des passions. Ces ames ont ressenti de grands affoiblissemens dans le bien que Dieu commençoit à mettre en elles. Ab. d. l. Tr. On dit l’affoiblissement des monnoies. Charles VII. dans la grande nécessité de ses affaires, poussa l’affoiblissement si loin, & leva un si gros droit sur les monnoies, qu’il retenoit les trois quarts d’un marc d’argent pour son droit de Seigneuriage, & pour les frais de la fabrication. Le Blanc. Le Peuple se ressouvenant des dommages infinis qu’il avoit reçus de l’affoiblissement des monnoies, & du fréquent changement du prix du marc d’or & d’argent, pria le Roi qu’il quittât ce droit, consentant qu’il imposât les Tailles & les Aides, ce qui fut accordé. Id. Une Ordonnance de Philippe le Bel du mois de Mai 1295 porte, que le Roi étant à Paris, ayant aucunement affoibli les monnoies en poids & loi, espérant encore les affoiblir pour subvenir à ses affaires, & connoissant être chargé en conscience du dommage qu’il avoit fait, & feroit porter à sa République pour raison de cet affoiblissement ; le Roi s’oblige par Charte authentique au peuple de son Royaume, que ses affaires passées il remettra la monnoie en bon ordre & valeur à ses propres coûts & dépens, & portera la perte & tare sur lui. Boizard. Il y a encore une pareille Ordonnance du Roi Jean donnée à Paris le 28. Décembre 1355. rapportées par le même Auteur, Traité des Monn. Ch. 10. Voyez Empirance. Ce mot vient du primitif foible.
AFFOLER. v. act. Rendre excessivement passionné, jusqu’à la folie. Impotentem cupiditatis alicujus motum ciere, excitare. Il n’est guère en usage que dans le style familier, badin & satyrique, encore n’est-ce ordinairement qu’au participe. C’est la beauté de sa femme qui l’a affolé. Il étoit tellement entêté de cette opinion, qu’il en étoit affolé ; c’est-à-dire, qu’il en avoit presque perdu l’esprit.
Cloris que l’amour affole,
Aime les Galans de Cour. Gomb.
Dites hardiment que j’affoles,
Si je dishuy autres paroles. Pathelin.
Autrefois ce mot signifioit, Estropier un membre. Affoler une jambe, la blesser. Ledare, sauciare. Affoler une femme enceinte, la faire avorter. Abortum prægnanti inferre, facere. En ce sens il est hors d’usage. Du Cange dérive ce mot de affolare, qui signifie, toucher légérement, flatter en badinant. Le Roman d’Aubery emploie ce mot en le prenant pour blesser. De Sarazins y et molt affolés. Cela est vieux.
AfFOLÉ, ée. part. & adj. Qui est si passionné, & si sensiblement touché de quelque passion, qu’il approche de la folie. Insaniens cupiditate. C’est un homme affolé de son amour-propre. C’est une femme affolée de sa propre beauté. Tout cela n’est bon que dans le style familier & comique.
En termes de Marine, on appelle une boussole, ou une aiguille affolée, celle qui est défectueuse, ou touchée d’un aimant qui ne l’anime pas, qui indique mal le Nord. Acus magnetica deficiens, aberrans à polo.
AfFOLEURE. s. f. Vieux mot, qui signifie blessure. Gravior læsio. Ce mot n’est plus en usage ; il vient d’affoler. Dans une Charte de l’an 1328, (elle est d’Odoard Seigneur de Ham) il est dit, sauf à icelui Seigneur le cas d’affoleure.
AfFOLIR. v. n. Devenir fou. In insaniam incidere. Cet homme affolit tous les jours. Il n’est usité que dans le style comique & familier.
AFFONDER. Vieux mot, qui signifioit plonger, enfoncer dans l’eau.
S’il peut se plonge & affonde,
Souventefois en mer profonde. Ovide. Ms. cité par Borel.
AfFORAGE. s. m. Droit seigneurial qu’on paye au Seigneur, pour avoir permission de vendre du vin, ou autre liqueur dans son fief, & suivant la taxe qui en sera faite par ses officiers. Jus Dominii in vinum venale. Ragueau & du Cange en parlent.
Afforage, est aussi employé dans la dernière Ordonnance de la ville de Paris, du mois de Décembre 1672 ; pour dire, le prix d’une chose vénale fixé par autorité de Justice. Venalium æstimatio Judicis auctoritate facta. On ne peut vendre des vins étrangers, que le prix n’en ait été fixé par les Echevins, & qu’il n’en soit fait mention par l’acte d'afforage, comme il est porté au ch. 9 de la même Ordonnance. Pasquier témoigne que le mot d’affeurer, signifioit autrefois acheter, & qu’on disoit affeurer son cheval ; pour dire, l’acheter au feur, & au juste prix.
Ce mot vient du latin Afforare c’est-à-dire, Juxta foros & leges judicare. D’autres le dérivent de Fodrum, par une métaphore tirée de ceux qui étant obligés de payer au Seigneur une certaine quantité de feurre, ou de foarre, la faisoient estimer en argent à un certain prix.
AfFOUAGE. sub. mas. Droit de couper du bois dans une forêt pour sa famille. Du Cange. Jus cædendæ sylvæ domesticos in usus.
Ragueau dit plus particulièrement, le droit de prendre du bois dans une forêt pour son chauffage. Ce mot vient de ad, pour, & focus, feu, comme si l’on disoit, provision de bois pour son feu.
AfFOUAGEMENT. s. m. Est un état ou département qui se fait dans la Provence, & autres pays où les Tailles sont réelles, pour faciliter la levée des impositions qu’on fait sur la province, en réglant le nombre des feux de chaque paroisse ou communauté. Vectigalium descriptio. Environ l’an 1471 se fit le général affouagement, ou la quotité de feux pour l’imposition des tailles, par tous les Bailliages, Vigueries & Vallées de Provence ; auquel affouagement tous les biens possédés alors par les Ecclésiastiques, & par les Gentilshommes, furent déclarés nobles, & exempts de taille, & ceux que désormais les uns & les autres acquerroient, seroient sujets à la taille. Ce général affouagement est le dernier de tous ceux qui ont été faits en Provence. Bouche. Hist. de Prov. T. II. p. 471. Le dernier affouagement de Provence a été enregistré le 20. Mai 1666. La Viguerie d’Aix est comptée pour 74 feux dans cet affouagement. Ce mot vient de fouage, qui vient de feu.
AfFOUIR en un lieu. Vieux mot, qui veut dire, se retirer d’un lieu en fuyant ailleurs. Confugere, secedere in aliquem locum.
AfFOURCHER. v. a. Terme de Marine. C’est jeter une ancre à la mer dans une telle distance, que son cable fasse une manière de fourche avec le cable d’une première ancre qu’on y a déjà jetée. Ainsi on appelle ancre d’affourche, celle qui est jetée de cette sorte après la première. Ce mot vient de furca.
Affourcher à la voile, c’est porter l’ancre d’affourche avec le vaisseau, lorsqu’il est encore à la voile.