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Cunctis mella dabunt, nulli sua spicula figent,
Spicula Rex etenim figere nescit apum.

Quelques-uns prétendent qu’on remarque dans la république des abeilles une régularité & une subordination admirables ; qu’on y voit une distribution bien réglée des emplois ; un ordre, & un concert aussi parfait qu’entre des esprits qui conspirent à l’exécution d’un même dessein. Ce que Virgile dit que les piqûres des abeilles leur coûtent la vie, parce qu’elles laissent leur aiguillon dans la plaie, Animas in vulnere ponunt, n’est point véritable, & les Naturalistes n’en demeurent pas d’accord. C’est le seul insecte né pour l’utilité de l’homme, à ce que dit Pline, Liv. ii. En quoi il se trompe, car il devoit du moins ajouter le ver à soie. Il raconte plusieurs merveilles des abeilles, aussi bien que Mathiole, touchant leur économie. Les principaux des Anciens qui ont parlé des abeilles, sont Aristote, Hyginus, Virgile, Celse, Marc Varron, &c. Et parmi les Modernes, outre ceux que nous avons cités, un Anglois nommé Majow en a fait un Traité intitulé : Monarchia fœminina, seu Apum Historia. M. Maraldi de l’Académie Royale des Sciences, donna en 1712, un savant Mémoire sur les abeilles. En voici l’extrait

☞ Il indique d’abord ceux qui ont traité des abeilles. Entre les anciens, Aristomache les considera pendant soixante ans. Hilliscus se retira dans les bois, pour avoir plus de facilité à les observer. Ces deux philosophes, au rapport de Pline, avoient écrit de la nature des abeilles : & ce sont eux peut-être qui ont appris aux hommes à les cultiver, à leur donner des ruches, & à en retirer les grandes utilités qu’on en reçoit. Nous devons à Aristote des observations utiles & curieuses sur cet insecte. Elles furent ornées & mises en vers latins par Virgile, dans son quatrième livre des Géorgiques. Dans la suite, ces observations ont été confirmées & augmentées par Pline & par plusieurs philosophes de l’antiquité. Parmi les Modernes, le prince Frédéric Cési, instituteur & chef de l’Académie Romaine des Sciences, vers le commencement du siècle passé, avoit fait, au rapport de Fabius Columna, un traité sur les abeilles, qu’il présenta au Pape Urbain VIII, & qu’il avoit fait espérer au public, avec la description des parties de cet animal, représentées, à l’aide du microscope, par Stelluti, de la même Académie. Mais on ne sait point ce qu’est devenu cet ouvrage, non plus que celui que Swammerdan avoit promis il y a plusieurs années, sur l’anatomie de cet animal. Les remarques de M. Maraldi peuvent remplacer ces ouvrages. Voici à-peu-près ce qu’elles contiennent.

☞ Le nombre des abeilles qui sont dans une ruche, est différent, suivant la grandeur différente des ruches. Dans les petites on en a compté 8 ou 10000, & jusqu’à 18000 dans les grandes. Dans chaque ruche, grande ou petite, il y a trois sortes de mouches, les abeilles, qui sont sans comparaison le plus grand nombre, les bourdons & l’abeille qu’on appelle Roi. Nous parlerons des bourdons en leur place, il ne s’agit ici que des abeilles, c’est-à-dire, de la première & de la troisième espèce.

☞ La première espèce, ou les abeilles, composent presque tout l’essaim : ce sont elles qui vont recueillir la cire sur les fleurs, qui la pétrissent & en forment les rayons & les alvéoles ; ce sont elles qui recueillent le miel, & en remplissent les rayons dans l’été, pour leur servir de nourriture pendant l’hiver ; qui ont soin de fournir à leurs petits une nourriture proportionnée à leur âge, & d’exciter une chaleur propre à les faire arriver à leur perfection ; ce sont elles enfin qui ont soin de tenir la ruche propre, & d’en chasser ce qui peut leur être nuisible. Toutes ces abeilles ont un aiguillon, & il y en a parmi cette espèce qui sont un peu plus grandes les unes que les autres.

☞ On peut distinguer trois parties principales dans le corps de l’abeille. La tête, qui est attachée par une espèce de col


au reste du corps ; le milieu du corps, qui est la seconde partie, est aussi distingué du ventre par une intercision ; le ventre est la troisième partie.

☞ Elle a à la tête deux espèces de serres ou mâchoires, qui s’ouvrent & se ferment de droite à gauche. Cet organe sert aux abeilles comme de main pour prendre la cire, la pétrir, en bâtir les alvéoles, & les polir. Elles s’en servent pour transporter dedans ou dehors tout ce qui leur est nécessaire.

☞ A la même extrémité de la tête, les abeilles ont une trompe, dont l’origine est proche du cou. Elle va ordinairement depuis sa racine, où elle est plus grosse, jusqu’à son extrémité, où elle se termine en pointe. Cette trompe est composée de cinq branches, deux desquelles sont détachées des autres depuis leur racine, l’une à droite, l’autre à gauche ; les trois autres ne se séparent que vers la moitié de la trompe. Celle du milieu est cylindrique, de la grosseur d’un cheveu ; & vue avec le microscope, sa longueur paroît distinguée en plusieurs anneaux, chacun desquels est garni d’une grande quantité de petits poils, plus longs vers l’extrémité de la trompe que vers sa racine. Cette partie que nous appelons plus particulièrement la trompe, est un des principaux organes de l’abeille. C’est avec cette trompe qu’elles recueillent le miel sur les fleurs, & qu’elles prennent leur nourriture. Les quatre autres branches sont plus larges vers leur origine, & vont en diminuant jusqu’à la pointe. Elles sont faites en manière de gouttières, étant concaves du côté qu’elles embrassent la trompe, & convexes de l’autre : elles ont une consistance de corne. Les deux branches qui sont détachées plus près de la racine, sont les plus larges, & embrassent les deux autres. Elles s’unissent si bien ensemble, qu’elles ne paroissent qu’un seul tuyau. Vers le milieu de chacune de ces quatre branches il y a une espèce d’articulation, par le moyen de laquelle elles s’alongent ou se plient tout à la fois à l’endroit de l’articulation. La moitié de la trompe, qui est à l’extrémité, se plie & se couche le long de l’autre moitié, qui est vers l’origine. Ces quatre branches, en se pliant, emportent avec elle la trompe du milieu, qui n’a aucune articulation. Lorsque ces branches sont pliées, qui est la situation la plus ordinaire, elles sont comprises entre le cou & les serres, dont on a parlé ; mais lorsqu’elles sont alongées, ce qui arrive toutes les fois que l’abeille veut se nourrir ou ramasser le miel, l’autre moitié s’avance hors de la tête ; & outre cela, la branche moyenne des cinq peut s’alonger encore un peu hors des quatre branches, & se mouvoir en tout sens pour sucer avec son extrémité le miel qu’elles vont chercher dans le calice des fleurs.

☞ Nous nous sommes assûrés par plusieurs expériences, que les abeilles recueillent le miel par la seule trompe ; & il nous a paru que cette trompe est un canal par où peut passer le miel. On l’a vu grossir dans l’instant qu’elle suce le miel, & cette augmentation se faisoit successivement depuis son extrémité jusqu’à sa racine ; ce qui nous faisoit juger que c’étoit ce suc qui causoit ce gonflement, en passant dans la capacité de ce tuyau. On pourroit aussi supposer que la trompe est comme la langue, & que les branches sont la fonction du bec. La langue, après avoir recueilli le miel sur les fleurs, le fait monter par les branches jusqu’à leurs racines, où il entre dans le corps de l’abeille, par où elles ont coutume de le rejeter.

☞ Le milieu du corps de l’abeille est d’une figure approchante d’un sphéroïde un peu alongé, sur lequel sont attachées deux ailes, une à droite, l’autre à gauche, un peu au-dessus de la ligne horizontale qui passe par le milieu du corps. Chacune de ces ailes est accompagnée d’une autre plus petite, qui lui est comme adhérente, & qui est un peu plus près de la tête. C’est avec ces quatre ailes qu’elles font des sons pour s’avertir les unes les autres. C’est aussi vers le bas de cette partie du corps, que sont six pattes, trois à droite, & trois à gauche. Deux de ces pattes sont sur le devant, & fort proche de la tête : ce sont les plus petites des six. Les quatre autres sont attachées sur le derrière du côté du ventre, fort proche les unes des autres. Les deux du milieu sont un peu plus longues que les premières, & plus courtes que les postérieures. Toutes ces pattes sont distinguées en plusieurs articles, dont il y en a trois plus grands que les au-


Tome I.

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