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3 A A 4

A devant un i, ou devant un y, avec lequel il forme une diphtongue, a différens sons : quelquefois il se prononce comme un è ouvert, comme dans maison, &c. quelquefois comme un é fermé, comme dans pays, paysan ; lisez & prononcez péis, péisan, &c. quelquefois comme un e muet, comme dans ces mots faisois, & les autres personnes du même tems, faisant, &c. Prononcez fesois, fesant.

A devant o & ne faisant qu’une même syllabe avec l'o & la consonne qui suit, conserve le son qui lui est propre, & absorbe celui de l’o ; exemple, faon, Laon, paon ; lisez & prononcez fan, Lan, pan ; la même chose arrive à l’e comme dans le mot Caen, ville de basse Normandie, que l’on prononce comme s’il étoit écrit Can.

A devant u se prononce comme un o, comme dans les mots Auteur, autorisé, authentique. Dans la dernière syllabe d’un mot cet au se prononce quelquefois comme un o long, à cause de l’s, ou de l’x qui suivent, comme dans animaux, chevaux : les autres consonnes ont le même effet, & allongent la prononciation d’au. Exemple, badaut, saut, &c.

A devant y a le même son que devant i ; il faut seulement remarquer que l’on met aujourd’hui un i dans presque tous les mots où l’on mettait autrefois un y, comme dans plaie, paie, futaie, &c.

☞ Il y a quelques personnes qui se sont fait une règle de conserver l’y dans les mots où il est devant une voyelle, & et où il tient lieu de deux ii voyelles, comme dans les mots payer, envoyer, &c. & certainement il faut conserver toujours l’y dans ces sortes de mots, comme nous le dirons au commencement de la lettre Y.

A devant les consonnes a toujours le même son qui est clair, si ce n’est devant un s qu’on ne prononce point ; car alors le son de l’a est obscur & long, & devant une m ou une n, devant lesquelles il a un son obtus & nazal, comme dans amphibologie, anse, enfant, &c. mais alors ce n’est pas l’a tout seul qui est voyelle, c’est le son de l’a & de l’n ou de l’m ensemble qui font une voyelle, an, am ; ainsi qu’on le peut voir dans les Essais de Grammaire de M. l’Abbé Dangeau, qui nomme ces voyelles des voyelles Esclavonnes, ou nazales.

A après les autres lettres, à la fin d’un mot, a toujours un son clair ; mais s’il est au milieu d’un mot sa prononciation changera, & le son qu’on lui donnera sera clair, ou obscur, ou obtus, bref ou long, selon les différentes consonnes qui le suivront, comme on vient de l’expliquer.

A s. m. C’est le nom de cette lettre, ou du caractère que nous appellons a. Un grand a, un petit a, un a bien formé. Ce nom est du genre masculin, comme celui de toutes les voyelles Françoises. Cette lettre sert de corps à un Rebus en cette manière : On range plusieurs A de suite jusqu’à un tombeau, & ces paroles font l’ame du Rebus, Amis jusqu’au tombeau.

Cette lettre A étoit aussi chez les Anciens une lettre numérale qui signifioit 500. comme on le voit dans Valerius Probus. Voyez sur ces prétendues lettres numérales ce qu’on en a remarqué sur la lettre e. Il y a des vers anciens rapportés par Baronius, qui marquent les lettres significatives des nombres, dont le premier est :

Possidet A numeros quingentos ordine recto

Quand on mettoit un titre ou une ligne droite au-dessus de l’A, il signifioit cinq mille. Les Romains l’appelloient lettre salutaire, parce qu’on s’en servoit pour déclarer innocent celui qui étoit accusé. A vouloit dire absolvo, je l’absous.

Cette lettre a diverses significations. Cependant il en faut éviter la rencontre trop fréquente dans une même période. Quelquefois cette répétition rend le discours rude & moins agréable.

C’est quelquefois un substantif masculin. Cet A est mal formé. On dit par une façon de parler proverbiale : il n’a pas fait une panse d’a, pour dire, il n’a pas formé une seule lettre, & figurément, il n’a fait quoi que ce soit. On dit aussi dans la conversation familière : Il ne sait ni A ni B, pour exprimer un ignorant.

Ci-dessous gît Mr l’Abbé,
Qui ne savoit ni A ni B. Ménag.


C’est aussi la troisième personne du verbe auxiliaire avoir. Il a fait de l’éclat mal-à-propos. L’imagination du Poëte n’a pu vous peindre si belle que vous êtes. Voit. La vérité, qui a des bornes, a dit pour vous tout ce que le mensonge, qui n’en connoît point, a inventé pour les autres. S. Evr. Dans cette signification l’on n’y met point d’accent, ni quand il est précédé de la particule y ; car alors il a la force du verbe substantif être. Il y a un Dieu. On ne lui donne pas non plus d’accent quand il est nom ; mais seulement quand il est préposition ou particule ; car alors on le marque d’un accent grave, à. Au moins ceux qui se piquent d’exactitude dans leur écriture en usent ainsi ; mais cette exactitude n’est plus maintenant d’un grand usage ; & l’on remarque que les Etrangers qui apprennent notre Langue par principes & par l’étude, sont plus exacts là-dessus que ceux qui ne la savent que par l’usage. Les Italiens sont plus exacts dans leur Langue à marquer les accens, que nous ne le sommes dans la nôtre. Ils font bien, parce que les accens marquent dans leur Langue une différente prononciation, au lieu que dans le François la prononciation d’a, quand il fait seul une diction, étant toujours parfaitement la même, il semble que nous ayions plus de droit de négliger les accens.

Cette lettre exprime presque tous les mouvemens de l’ame ; & pour rendre l’expression plus forte, on y ajoûte un h après, comme dans l’admiration : Ah le beau tableau ! Dans la joie : Ah quel plaisir ! Dans l’indignation : Ah le scélérat ! Dans la douleur : Ah la tête ! Quand on se sent affoiblir : Ah je me meurs ! Dans la contestation : Ah ! Monsieur, pour ce vers je vous demande grace. Boil. Dans l’étonnement : Ah perfide.

A, s’emploie aussi pour désigner la cause mouvante, le moyen qui fait agir. Moulin à vent, arme à feu.

A, n’est quelquefois qu’une particule inutile qu’on peut supprimer, sans altérer la construction, & sans rien changer au sens de la phrase. Voyons à qui l’aura. Acad. Fr.

A étant une préposition est formé du Latin ad, & on l’écrivoit autrefois ainsi, ardent desir ad ce mon cœur allume. Cretin. qui l’avoit meu ad ce. Continuateur de Monstrelet.

A sert souvent à décliner les noms propres & en marque le datif, & le peuple met souvent à devant un nom possessif au lieu de l’article de, & dit, Le livre à Pierre, la maison à M. tel ; pour dire, le livre de Pierre, la maison de M. tel, l’éventail d’Agnès. De bons Auteurs en ont usé autrefois de même.

Pleurons la mere au grand Berger d’ici,
Pleurons la mere à Margot d’excellence. Marot.

Presque tous ceux qui ont composé des Grammaires Françoises ont mis la lettre A au nombre des articles, quand elle est employée devant les noms propres pour en marquer le datif. Mais ces Grammairiens ne parlent pas exactement ; car on ne met point d’articles devant les noms propres. Quand donc la lettre A jointe à un nom est la marque du datif, c’est une simple particule ou préposition ; & lorsqu’on y ajoûte le ou la, ou la simple lettre l avec une contraction, c’est alors un article joint à cette particule, & qui est la même chose que ille & illa des Latins. Il en est de même de au & de aux, ou comme l’on écrivoit autrefois aulx. Notre Langue a changé la lettre l en u.

On doit raisonner de la même manière sur la particule de, qu’on appelle mal à propos l’article du génitif, car c’est une simple particule, & quand on y joint l’article on dit du, qui est le del des Italiens & des Espagnols. L’Auteur judicieux de la Grammaire raisonnée a fait cette distinction de simple particule & d’article, lorsqu’il dit, p. 48. On se sert d’une particule dans toutes les Langues vulgaires pour exprimer le génitif, comme est de dans la nôtre. Il ajoûte p. 49. en parlant du datif : Les Langues vulgaires marquent ce cas par une particule, comme est a en la nôtre. Au chap. 7. de la même Grammaire il a très-bien remarqué, que presque dans toutes les Langues on a inventé de certaines particules nommées articles, qui déterminent la signification des noms. Il dit de plus, parlant de l’article le, que le génitif & le datif se fait toujours au pluriel & souvent au singulier par une contraction des particules de & à, qui sont les marques de ces deux


cas,