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86 LA PERIODE COLONIALE (1607-1764)

présente comme la contre-partie. Sa carrière de diplomate, d’homme d’Etat, de sage universel, toute notoire et intéressante qu’elle soit, paraît n’avoir été que le complément de son œuvre réelle. Ses écrits politiques, de toute façon, ne constituent pas la majeure partie de son œuvre littéraire ; en ce qui nous concerne, nous n’avons pas à le considérer comme un demi-contemporain de Jefferson. Aucun Américain du xix’ siècle n’a autant vécu pour ses concitoyens futurs que Benjamin Franklin ; il paraît y avoir deux raisons principales de ce fait : la première, c’est que comme incarnation de la pratique des choses, de l’esprit naturel le plus fin, le plus loyal, le plus patriote, il est le prototype de ce que ses concitoyens se plaisent à appeler le « vrai américanisme w. L’autre c’est qu’il est peut-être, pour tous les pays, le plus exact représentant de son siècle. Si cette assertion peut paraître téméraire aux admirateurs de Washington, du Dr. Johnson, de Frédéric le Grand ou de Voltaire, on peut alléguer en réponse que, chez aucun de ces hommes éminents, l’expression littéraire de la raison en son plein développement ne trouve un pareil interprète : Washington appartient à tous les siècles ; le Dr. Johnson ne représente pas suffisamment son époque, dans le sens matériel ; Frédéric le Grand offre une combinaison par trop extrême de gravité audacieuse d’intentions et d’affectation mesquine ; Voltaire est h la fois trop emporté et pas assez radical, c’est aussi trop spécialement un homme de lettres. Franklin, au contraire, représente intimement son époque par son sens pratique, par sa dévotion à la science, par sa curiosité en matière intellectuelle, sa conception humanitaire dépourvue de tout spiritualisme, son contentement tranquille de soi-même, — en un mot, par son culte pour la prose comme expression de la